De l’art de botter en touche

Publié le 11 février 2003 Lecture : 2 minutes.

Le président Laurent Gbagbo s’est donc adressé à ses compatriotes, le 7 février, quinze jours après son retour de la conférence de Paris réunie pour avaliser les accords signés quarante-huit heures plus tôt par les acteurs de la crise ivoirienne. Costume gris sombre, cravate rayée dans les mêmes tons, l’air grave au point de paraître fatigué, il a parlé, à sa façon, simple, directe, conviviale, familiale, presque comme s’il lui fallait s’excuser d’avoir tardé à le faire. Mais il lui fallait, explique-t-il, « écouter, entendre, comprendre, analyser… ». À l’arrivée, le sentiment que le discours était (déjà) écrit, au fil des jours par tous ceux qu’il a consultés auparavant, pour la plupart ses partisans, et qui ont battu le pavé d’Abidjan : les groupes socioprofessionnels, les « corps habillés », les jeunes, les femmes « mobilisés comme jamais, tout ce monde qui vient démontrer la légitimité que j’ai à exercer ce pouvoir… »
Mais pendant quarante-cinq minutes, il a aussi parlé comme un homme politique, jamais clairement, a alterné le chaud et le froid, opposé l’esprit et la lettre, délivré des gages de bonne volonté et d’optimisme, suscité l’inquiétude. Il est toujours resté subtil au risque de passer pour démagogique. Marcoussis ? « C’est pour vous que je fais ce compromis. Votre rempart, c’est moi. Je vous demande pardon pour les erreurs de Marcoussis ou de Kléber, pour tout ce qui a pu vous heurter. Mais je l’ai fait pour vous. Je vais travailler à l’application de cet accord tant qu’il n’est pas en contradiction avec la Constitution et ce que vous souhaitez… » En clair, Marcoussis n’est pas une Constitution bis. Dans son esprit, ce n’est qu’une étape comme les autres (Accra, Lomé, Bamako, Dakar) et même moins qu’une étape, une rencontre privée qui n’engage en rien l’État…
Parce qu’il sait qu’aucun texte de compromis n’est bon, que c’est une cote mal taillée, Gbagbo veut essayer en gardant toute latitude. À commencer par ses prérogatives qu’il n’entend pas voir rognées par un Premier ministre. Fût-il de « réconciliation nationale ». Il affirme vouloir préserver la faculté de nommer et de renvoyer le chef du gouvernement, à tout moment, comme le prévoit la Loi fondamentale. Tout au plus reconnaît-il avoir nommé Seydou Elimane Diarra dont il attend qu’il propose la liste de son équipe. Autrement dit, c’est moi qui décide. Gbagbo s’est donc engagé à respecter l’esprit de Marcoussis, c’est-à-dire la recherche de la paix, mais pas la lettre. Seydou Diarra proposera et Gbagbo décidera. Précisant qu’il est hors de question que les forces armées et de sécurité du pays soient dirigées par « l’ennemi ». Donc pas de ministère de l’Intérieur ou de la Défense entre les mains des rebelles. Et appelant la population à reprendre le travail ou le chemin des écoles, à faire preuve « d’un peu de patience » et à « essayer ce nouveau remède ».
« Nous cherchons, essayons ça. Si ça marche, nous retrouverons le sourire parce que nous sommes fatigués de la guerre. » Le chemin de la paix, lui, semble encore loin.

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