Abidjan en quelques minutes

Convoqué en marge du sommet extraordinaire de l’ Union africaine à Addis-Abeba, l’Organe central, mécanisme de gestion et de règlement des conflits, a consacré moins d’une heure à la crise ivoirienne.

Publié le 11 février 2003 Lecture : 3 minutes.

Les débats sur la Côte d’Ivoire promettaient d’être houleux au cours des travaux de l’Organe central, le 3 février, dans la capitale éthiopienne. On s’attendait à ce que le langage diplomatique cède le pas à des échanges passionnés entre les délégations ivoirienne et burkinabè s’accusant mutuellement de mille turpitudes. Abidjan reprochant au gouvernement burkinabè de soutenir les rebelles, et Ouagadougou dénonçant les mauvais traitements subis par ses ressortissants de la part des forces de l’ordre ivoiriennes. Il n’en fut rien. Blaise Compaoré a préféré rester dans sa suite à l’hôtel Sheraton, et son ministre des Affaires étrangères, Youssouf Ouédraogo, a assisté au débat sans y participer. Alors que son homologue ivoirien Abou Dramane Sangaré a été, comme à son habitude, d’une discrétion et d’un calme qui contrastent avec la gravité de la situation.
Les travaux s’ouvrent à 16 heures, avec la lecture du rapport d’Amara Essy, président intérimaire de la Commission de l’Union africaine (UA). Ce document de quarante pages ne consacre que six feuillets à la crise ivoirienne. C’est dire que le continent a beaucoup de chats à fouetter. Amara Essy revient sur quatre mois de descente aux enfers dans son pays. Il n’omet aucune tentative de médiation, qu’elle soit le fait d’un pays (les bons offices du président malien Amadou Toumani Touré auprès de ses pairs Compaoré et Gbagbo), régionale (les multiples rencontres et sommet de la Cedeao) ou internationale (initiative de la France qui a abouti à l’accord de Marcoussis). Tout au long de son exposé, Amara Essy garde le souci de convaincre du fait que l’UA n’a jamais été absente sur ce dossier. Il fait part des efforts de son envoyé spécial, Miguel Trovoada, ancien chef de l’État de São Tomé e Príncipe, de ceux de Thabo Mbeki, président en exercice, et, enfin, des siens propres puisqu’il s’est rendu à plusieurs reprises à Abidjan et dans d’autres capitales de la sous-région, où le dossier ivoirien est à l’ordre du jour.
Le Ghanéen John Kufuor, qui préside depuis peu la Cedeao, prend ensuite la parole, rend compte des initiatives de l’organisation ouest-africaine, fait état de ses difficultés à déployer sa force de maintien de la paix, dirigée par le général sénégalais Pape Khalil Fall. Et informe ses pairs sur la rencontre, le 1er février à Abidjan, de trois chefs d’État de la Cedeao avec Laurent Gbagbo. Lequel aurait fait état de ses difficultés à imposer certaines clauses de l’accord de Marcoussis qui se heurtent à l’hostilité de la population. Puis, vient le tour d’Abou Dramane Sangaré de prendre la parole. En dix minutes, sur un ton monocorde, le chef de la diplomatie ivoirienne tente de convaincre de la nécessité de faire la nuance entre l’accord de Marcoussis et la conférence des chefs d’État à Kléber, durant laquelle a été annoncée la constitution du gouvernement de « réconciliation nationale ». « C’est particulièrement ce point qui est rejeté par le peuple ivoirien. » Cette conclusion va provoquer la seule réaction intempestive enregistrée tout au long du débat. Le président béninois Mathieu Kérékou s’emporte : « Avez-vous organisé un référendum pour parler de la volonté du peuple ? Pourquoi n’avez-vous jamais participé, en votre qualité de ministre des Affaires étrangères, aux négociations de Lomé ? » Sangaré tente une sortie : « Le président Gbagbo est souverain, il a désigné une autre personnalité aux pourparlers de Lomé. » Kérékou ne semble accorder aucun intérêt à la réponse du ministre, et poursuit : « La situation ne fait que s’aggraver. Les escadrons de la mort font régner la terreur dans ce pays. La Cedeao ne réussira pas toute seule à mettre fin à cette crise qui prend des proportions alarmantes. » Le Nigérian Olusegun Obasanjo intervient pour modérer les propos du Béninois : « Notre organisation fait tout ce qui peut être humainement accompli, laissons-lui une chance. » Le Malien ATT, lui, intervient pour lancer un appel au secours : « Les conséquences socio-économiques sont désastreuses pour les pays voisins. Il faut que l’UA s’implique davantage dans leur règlement. »
Après quarante-sept minutes d’échanges, l’Organe central passe au conflit entre la République centrafricaine et le Tchad. La rédaction du communiqué final, qui ne tombera que tard dans la nuit du 3 au 4 février, est une vraie gymnastique. Le texte consacre à la fois la proposition de Kérékou d’envoyer Thabo Mbeki et Amara Essy à Abidjan, et celle d’Olusegun Obasanjo de laisser encore une chance à la Cedeao. Les préoccupations maliennes, elles, constituent le sixième point du communiqué : « L’Organe central exprime sa grave préoccupation face à l’impact humanitaire et socio-économique en Côte d’Ivoire et dans les pays de la sous-région. »

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires