Tartuffe et Mohammed

Le portrait romancé, féroce mais très réaliste, d’un prototype de la « gauche caviar » française.

Publié le 10 janvier 2005 Lecture : 2 minutes.

Les insultes, les menaces, voire les crachats, tel est le lot quotidien de Mohammed Bendjebbour, chauffeur de bus dans la banlieue parisienne. Fruit du viol d’une Algérienne par des soldats français, Bendjebbour mène une existence misérable à l’horizon aussi étroit que le réduit humide où il crèche. Quelle lueur espérer dans le sombre avenir qu’il entrevoit entre un bras d’honneur et un « nique ta mère » ?
Pour sortir de sa fange existentielle, Mohammed orchestre une agression imaginaire, avec l’espoir de se faire muter loin de l’enfer de la ligne 249 qui dessert la porte des Lilas. Il imbibe sa veste d’essence et craque une allumette en pensant que la police n’y verra… que du feu. Raté. Confondu par les enquêteurs, il est licencié de la Régie autonome des transports parisiens. Désormais sans occupation, il traîne au rayon musique de la Fnac, où il fait une rencontre qui donnera à sa vie une nouvelle tournure. Sous le meilleur, il trouvera le pire.
Jean-René Brideau, sexagénaire et philosophe de gauche, revendique haut et fort son amour pour les peuples opprimés et vomit sur la « douce France ». Pourtant, celui qui trouve plus poétique une casquette de rappeur frappé de « Tueur de flics, une révolte authentique » qu’un vers de Baudelaire roule en 4×4, habite dans les beaux quartiers et possède un chalet à Méribel.
Mohammed Bendjebbour est une aubaine pour Brideau « doux aux minorités, dur à la majorité ». N’a-t-il pas pour maîtresse une sans-papiers sénégalaise ? Sous prétexte de réveiller la fibre subversive de Mohammed, il en fait son larbin avant de l’utiliser comme biographe. Le succès du livre métamorphose cet être avide de reconnaissance publique. Il délaisse les manifestations pour les plateaux télé. L’image de ce post-soixante-huitard pétri de bons sentiments se fissure au fur et à mesure de ses apparitions à la télévision. Brideau se mue en Tartuffe, tandis que son boy Mohammed, qui a vendu son âme au diable, a bien du mal à la récupérer.
Avec L’Agent dormant, Fabrice Pliskin signe une satire féroce de cette gauche caviar typiquement française, qui « vous parle d’égalité, s’enivre de grands mots et dissimule sous des sourires faussement fraternels l’horreur que lui inspire votre gueule d’Arabe ».

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