Côte d’Ivoire : Ouattara-Gbagbo, Shakespeare sur lagune

Comme si rien ne s’était passé dans la décennie précédente, le président ivoirien Alassane Ouattara a reçu l’ex-président Laurent Gbagbo. Un peu de théâtre pour la bonne cause ?

 © Damien Glez

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Publié le 30 juillet 2021 Lecture : 2 minutes.

Qui nierait qu’il y a du Shakespeare dans la politique d’Afrique, comme en attestent les multiples adaptations africaines du dramaturge anglais, « tropicalisations » limpides où la chefferie remplace à merveille les monarques cruels et vermoulus des pays tempérés ? Une décennie après la crise postélectorale ivoirienne, le volet politique actuel pourrait être un remake de Much Ado About Nothing (Beaucoup de bruit pour rien), une comédie populaire de l’auteur britannique qui fait se croiser de vieilles connaissances avides de moqueries brillantes, inspirant une conclusion expliquant le titre : « Tout ça pour ça ! »

Musicalement, l’œuvre politicienne ivoirienne s’apparenterait plutôt à un tango argentin avec un changement régulier de partenaires, toujours les mêmes depuis de longues années. En 1994, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara (ADO) esquissaient la danse du Front républicain, en lorgnant Henri Konan Bédié. En 2000, ce sont Bédié et Gbagbo qui partageaient une chorégraphie de « tout sauf Ouattara », en le guettant du coin de l’œil. En 2005, Bédié et Ouattara se trémoussaient sur l’hymne du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), en maudissant Gbagbo. Nouveau changement de partenaires, en 2021, après une décennie de parenthèse glaçante : Bédié et Gbagbo s’invitaient mutuellement à esquisser des pas de danse, le 10 juillet 2021, à Daoukro…

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Légitime diplomatie

Quelques jours plus tard, comme pour anesthésier rapidement cette image, Alassane Ouattara, à son tour, a invité Laurent Gbagbo à un pas de deux, le 27 juillet à la présidence. Ce jeu d’acteur éculé est-il pour autant synonyme de vacuité ? Après tout, le jeu des apparences est bien l’outil légitime d’une diplomatie dans laquelle infuse forcément toute période politique. Après tout, la sagesse ouest-africaine indique que « quand le canari se casse sur ta tête, il faut en profiter pour te laver », le chef de l’État muant en nouvelle virginité l’acquittement et le retour de son adversaire d’hier. Après tout, dans cette phase de tango sans alliance politique, cette fois, chacun des danseurs peut y trouver son compte : le magnanime ADO pour qui la visite vaut quasiment validation du scrutin contesté par l’opposition, mais aussi Gbagbo, réhabilité dans le rôle de leader politique incontournable.

Pour peu que les deux septuagénaires renoncent à des ambitions présentielles pour 2025, l’image du 27 juillet vaudrait son pesant de fèves de cacao. Au final, cette tardive poignée de main pourrait constituer une adaptation ivoirienne de la pièce précoce de William Shakespeare Les Deux Gentilshommes de Vérone. Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo ne s’étaient pas vus depuis le débat présidentiel du 25 novembre 2010. Même surjouées, les scènes historiques sont des marqueurs susceptibles de crédibiliser – et donc accélérer – une réconciliation authentique.

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