Quand le président se rebiffe

Publié le 10 janvier 2005 Lecture : 2 minutes.

Le président irakien Ghazi el-Yaouer a surpris tout le monde, le 4 janvier, en estimant que « seule l’ONU est habilitée à dire si les élections peuvent se tenir conformément au calendrier prévu ». Plus curieux encore, il n’a pas résisté à la tentation de lancer quelques piques à l’adresse de son gouvernement et des Américains, à qui il reproche leur entêtement à vouloir respecter à toute force leur agenda sans tenir aucun compte des réalités du terrain.
Yaouer, qui doit son poste dans les institutions mises en place par les Américains et les Nations unies à son appartenance à la turbulente communauté sunnite, opère donc un virage à 180 degrés. Le 5 décembre, lors de sa réception en grande pompe à la Maison Blanche, il avait tenu un tout autre langage, assurant que « la violence ne triomphera pas de notre volonté de respecter le calendrier électoral ». Il semblait, à ce moment-là, en parfaite harmonie avec George W. Bush. Pourquoi un tel revirement ? Yaouer doit certes se rendre le 14 décembre en France, la championne toute catégorie du multilatéralisme, mais l’explication est insuffisante.
Originaire de Mossoul, dans le Nord, le président souffre manifestement d’être moins en vue que le Premier ministre Iyad Allaoui, son grand rival, et d’être confiné à des tâches honorifiques, sans réelle prise sur l’exécutif. À plusieurs reprises, il s’est plaint de ne pas être associé aux décisions du gouvernement. « Non seulement je ne suis pas consulté, mais je suis souvent informé par les médias », s’insurge-t-il.
En dépit de ses récriminations, Yaouer n’a apparemment jamais songé à démissionner. Même quand, au mois de novembre, Allaoui a donné son feu vert à l’assaut américain contre Fallouja-la-sunnite. S’il a déploré, du bout des lèvres, « l’escalade de la violence », il n’a manifesté aucune compassion à l’égard des 300 000 habitants de la ville, toujours empêchés par les marines de regagner leurs maisons.
Inconnu avant sa désignation le 1er juin 2004, Yaouer, qui est un lointain cousin d’Abdallah Ibn Abdelaziz, le prince héritier saoudien, n’a été d’aucun secours à sa communauté, à qui il n’a pas épargné des incessantes expéditions punitives lancées par les forces d’occupation et les troupes d’élite de la Garde nationale, fidèles à Allaoui. Pis, plusieurs dignitaires de sa tribu, les Chammars, ont été arrêtés à Mossoul, torturés et, pour certains, exécutés par les Américains. Le président aurait-il été saisi de remords tardifs ? Quelques heures après sa fracassante déclaration, Kassem Daoud, le secrétaire d’État à la Sécurité, a annoncé que son gouvernement envisageait une grande offensive contre Mossoul avant les élections, afin d’en « exterminer la vermine terroriste ». Mossoul en Fallouja-bis ? C’en était sans doute trop pour Yaouer. Humiliation supplémentaire, Allaoui a démenti, dès le lendemain, 5 décembre, toute velléité gouvernementale de « nettoyer » la grande ville du Nord, mais réaffirmé que les élections auraient lieu à la date prévue. Selon lui, « un report entraînerait une guerre civile en Irak ». Comme si les dizaines de morts quotidiens, les attaques à la voiture piégée, les assassinats filmés et diffusés sur Internet par leurs auteurs n’étaient qu’un jeu vidéo !

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