Pour 1 million de dollars…

Plus de quinze ans après l’attentat contre l’avion français, la procédure d’indemnisation est enfin ouverte. Mais les ayants droit doivent faire vite pour en bénéficier.

Publié le 10 janvier 2005 Lecture : 3 minutes.

Un homme se bat seul pour les familles des 170 victimes de l’attentat contre le DC-10 d’UTA – le fameux vol UT-772 qui devait assurer la liaison Brazzaville-Paris le 19 septembre 1989 et qui a explosé au-dessus du Ténéré, au Niger. Fils de l’une des victimes, Me Guillaume Denoix de Saint Marc, 41 ans, a pu mobiliser les proches de 157 morts, dont 93 Africains, et obtenir de la Libye une reconnaissance de sa culpabilité et une indemnisation financière : 170 millions de dollars, quatre fois ce que la cour d’assises de Paris avait accordé en 1999, année où les six inculpés libyens ont été condamnés par contumace. Un an après la signature de l’accord, le 9 janvier 2004 à Paris, les 170 millions de dollars ont été versés à une fondation chargée de les répartir entre les 1 500 ayants droit (nombre estimé des parents des 170 victimes). Aujourd’hui, les procédures de dépôt des dossiers sont ouvertes. Mais il va falloir faire vite, sinon l’argent non réclamé retournera en Libye…
Un nouveau combat pour Guillaume Denoix de Saint Marc. Car la Fondation de l’attentat du DC-10, créée le 23 novembre 2004, ne s’est pas encore mobilisée pour retrouver les ayants droit, alors que le temps presse et que les procédures sont complexes. Environ un millier d’Africains (les deux tiers du total), pas ou peu informés, n’ont guère les moyens d’accéder aux conseils juridiques à Paris. Guillaume Denoix de Saint Marc a surtout peur de l’arnaque : avocats et intermédiaires véreux avaient déjà sévi lors du procès par contumace et détourné l’argent destiné aux familles des victimes africaines qui s’étaient présentées comme partie civile.
Pourquoi cet intérêt ? Outre le sens de l’équité – « C’est un devoir moral vis-à-vis de mes compagnons d’infortune » -, il y a le passé africain de son père, directeur général Afrique de la compagnie Total, décédé dans l’attentat, et le sien propre. Guillaume Denoix de Saint Marc n’oublie pas ses souvenirs de jeunesse, notamment au Congo-Kinshasa, pendant la guerre du Biafra, et en Ouganda, lors du coup d’État d’Idi Amin Dada. « Les familles africaines ont les mêmes droits que les autres. Je me dois de me rendre sur place pour les informer oralement, les assister et les aider dans leurs démarches », explique-t-il, non sans conviction.
Cela fait déjà longtemps qu’il a engagé le combat. Il a d’abord commencé à se battre sans trop y croire, lorsqu’en février 2002 la chance le met sur la route de Seif el-Islam Kadhafi : le fils du « Guide » libyen lui prête une oreille attentive alors que, pour le Quai d’Orsay, l’affaire était déjà classée… La fondation caritative de Kadhafi accepte le principe de renégocier pour mettre un terme au harcèlement du Collectif des familles du DC-10 en colère animé par Guillaume Denoix de Saint Marc et son épouse. Après douze rounds de négociations à Tripoli, à Paris et à Londres, le couple voit enfin une solution se dessiner en juillet-août 2004, à la faveur du dénouement de l’affaire de Lockerbie (du nom du village écossais où s’était écrasé l’appareil de la PanAm) : les États-Unis obtiennent 10 millions de dollars pour chacune des 270 victimes de l’attentat. La diplomatie française se réveille enfin et met davantage de pression sur la Libye, qui reconnaît la responsabilité de ses agents et consent à verser 1 million de dollars par famille. La procédure d’indemnisation devant la Fondation n’exclut pas une nouvelle procédure judiciaire devant les tribunaux français pour les proches qui n’auraient pas déposé de plainte en 1989. Ils peuvent le faire aujourd’hui encore, avant d’entamer les démarches définitives devant la Fondation.
Les ayants droit ont jusqu’au 9 février 2005 pour déposer leurs pièces (via leurs avocats) devant le tribunal de grande instance de Paris. La clôture est prévue pour le 30 mars 2005, la première audience de plaidoiries le 1er juin et un jugement courant septembre ou octobre. Une fois celui-ci devenu définitif (pas de risque que la Libye fasse appel), les familles auront jusqu’au 9 janvier 2006 pour se faire connaître auprès de la Fondation et obtenir l’indemnisation de 1 million de dollars (à partager selon une clé précise entre les membres, selon leur lien de parenté avec la victime). Pour Guillaume Denoix de Saint Marc, l’argent déjà versé par la Libye rapporte des intérêts suffisants pour couvrir les frais d’assistance aux familles ainsi que les frais administratifs. « Je suis prêt à mettre mes compétences et toutes les informations déjà recueillies par mon Collectif au service de la Fondation », conclut-il.

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