Kofi Yamgnane

Ancien député français, ex-secrétaire d’Etat à l’Intégration (1991-1993)

Publié le 10 janvier 2005 Lecture : 3 minutes.

Pour beaucoup, il est toujours Monsieur le Maire. Sur le boulevard Saint-Germain, à Paris, en ce mercredi de décembre, ceux qui reconnaissent l’ex-premier maire noir de France sont nombreux. La soixantaine alerte, chaleureux et sympathique, Kofi Yamgnane est resté bien solide sur son 1,83 m. À quelques heures d’une rencontre à Matignon avec Jean-Pierre Raffarin sur la crise ivoirienne, il essaie de clarifier ses propositions : « Il faut que la France parte, lance-t-il, avant de se raviser. Il faut plutôt négocier différemment. Et nos chefs traditionnels ? Si on leur demandait de plancher ? »
Membre du Haut Conseil de la coopération internationale, Kofi Yamgnane, le socialiste, donnera, par principe, son avis. Et il a de bonnes raisons. Deux semaines plus tôt, une curieuse inscription a terni le blanc immaculé des murs de sa permanence de Châteaulin, dans le Finistère : « Sale négro, dehors ! » La gendarmerie y a vu une possible réaction aux manifestations antifrançaises à… Abidjan.

Le soir même, Kofi reprendra le dernier vol pour Brest. Ses séjours dans la capitale se raréfient depuis qu’il a perdu son siège de député en 2002. Tirant les leçons de cet échec, le conseiller général du canton de Châteaulin, son unique mandat actuel, s’est recentré sur sa région.
Saint-Coulitz, village de 400 habitants, coincé entre Brest et Quimper, dans le Finistère, pourrait être la caricature du bourg sans histoire, vivant au rythme des saisons, des récoltes et des émissions de Michel Drucker. Personne ne connaissait la bourgade jusqu’à ce soir de 1989, quand elle choisit, dès le premier tour, de confier sa mairie à un Noir venu du Togo. Saint-Coulitz l’anonyme entre dans les médias : la presse internationale se précipite, des États-Unis au Japon. Le facteur est submergé de lettres. Pas que de félicitations. Tous ceux qui sont dans l’annuaire recevront un tract anonyme : « Il faut être taré et alcoolique comme un Breton pour élire un nègre à la mairie. »

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Ce n’est pas assez pour atténuer la fierté des Saint-Coulitziens qui adorent leur nouveau maire. Jusqu’en 1991, année où Kofi Yamgnane accepte d’entrer dans le gouvernement d’Édith Cresson. Une partie de la population accepte mal les ambitions nationales de leur élu et crie à l’abandon. Le doute s’installe. Le fait qu’une majorité ait, contre toute attente, décidé d’envoyer en 1993 leur maire siéger au conseil général rassure tout le monde. Pour témoigner de sa fidélité, il rempile à la mairie pour six ans en 1995. Après deux mandats à la tête de « son village », il laisse son siège à son adjoint en 2001, au grand dam de ses partisans.
Aujourd’hui vice-président du conseil général du Finistère chargé des questions de l’eau, Kofi Yamgnane, naturalisé français en 1975, consacre ses journées au bien-être de ses concitoyens. Réminiscence de ses responsabilités ministérielles, il reste très sollicité par les populations immigrées, au point de payer, de ses propres deniers, une secrétaire pour s’en occuper. Il dit avoir manqué de temps et de marge de manoeuvre pour agir de manière durable, notamment dans les banlieues : « Il est absurde de parler d’intégration là où les jeunes réclament l’égalité des chances. Calixthe Beyala réclame plus de têtes de métèques au journal de 20 heures et pas seulement pour parler des voitures qui brûlent, elle a raison. »
Kofi Yamgnane est né à Bangeli, au nord du Togo où il a vécu jusqu’à l’âge de 18 ans. Après ses études secondaires chez les jésuites, il est admis à l’École des mines de Nancy. Devenu ingénieur, il s’installe en 1973 à Saint-Coulitz où sa femme, une Bretonne qu’il a rencontrée à Brest, est enseignante.

Militant socialiste proche de Laurent Fabius, il ne croit pas au retour de Lionel Jospin, « un homme de parole », bien qu’il voie en ce dernier la meilleure chance de la gauche. En se rasant le matin, il pense certes aux législatives de 2007, mais à l’Afrique aussi : « J’ai un peu honte de moi. Il faut que je rende un peu de ce que l’Afrique m’a donné. Avec le président Amadou Toumani Touré du Mali, nous réfléchissons à une mise en valeur de la vallée du Niger. En y cultivant du blé, on pourrait nourrir tout le continent », rêve-t-il. À un an de sa retraite d’ingénieur, et après plus de 1 500 ponts construits en Bretagne, il n’oublie pas cette boutade que lui lance son ancien instituteur à chacun de ses passages au village : « Tu avais promis de venir nous construire des ponts, aujourd’hui on passe encore les marigots à pied. »

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