Il était une fois des atlas

Publié le 10 janvier 2005 Lecture : 3 minutes.

Qui n’a pas rêvé, enfant, devant une carte de géographie ? Suivi du doigt la mince ligne bleue d’un fleuve en rêvant à des paysages inconnus et découvert que son propre pays recelait des gisements incroyables d’or, de diamant ou de pétrole ? C’est en songeant à cela que Danielle Ben Yahmed, jeune directrice des éditions Jeune Afrique, qui deviendront plus tard les Éditions du Jaguar, décide, à l’aube des années 1970, de publier un Grand Atlas de l’Afrique. « Quelle pharamineuse aventure, raconte-t-elle aujourd’hui. Nous étions éditeurs de guides touristiques et culturels, nous ne savions pas comment dessiner des cartes ! »
Grâce à Georges Laclavère, alors directeur de l’Institut géographique national (IGN), l’idée va se concrétiser. Débonnaire, chaleureux, un rien paternel et très « vieille France » – il était né en 1906 -, il se passionne pour le projet.
L’IGN dispose, à Paris, de plusieurs ateliers de cartographie. Laclavère va mettre à la disposition de Jeune Afrique l’un d’entre eux, ainsi que des spécialistes. Tout le monde travaille avec acharnement. On recrute quelques stagiaires, au nombre desquels un certain Sennen Andriamirado, qui deviendra l’un des journalistes phares de l’hebdomadaire Jeune Afrique. Dans l’équipe depuis le départ, Françoise Delaroche, aujourd’hui responsable de fabrication pour les Éditions du Jaguar, se souvient : « C’était un travail colossal, les moyens techniques n’étaient pas ceux d’aujourd’hui, nous étions à la merci d’une erreur, d’un oubli. Lorsque tout a été terminé, nous étions vraiment très heureux. » Georges Laclavère aussi, qui aimait à rassembler tout le monde autour d’un bon dîner pour fêter la fin d’une grosse journée de travail.
L’ouvrage paraît en 1973. Il connaît, tout de suite, un grand succès, ce qui donne envie à tout le monde de continuer. Laclavère, entre-temps, a pris sa retraite de l’IGN. Il propose à Danielle Ben Yahmed de poursuivre la collection avec des atlas par pays. Celle-ci accepte, convaincue qu’il est plus intéressant d’éditer des « livres utiles » que de la littérature générale. Les moyens financiers de la grande majorité des Africains ne leur permettent pas d’acheter romans et essais, alors que les ministères de l’Éducation ont vocation à acquérir des ouvrages de référence. Les atlas Jeune Afrique sont donc destinés, dans un premier temps, aux enseignants et, par extension, aux institutions et aux organisations internationales comme la Banque mondiale ou l’Union européenne. Aujourd’hui encore, ils restent dominants sur le marché. À la bibliothèque du département de géographie de l’université de Paris-VIII (Saint-Denis), dix atlas africains sur quinze sont signés par les Éditions Jeune Afrique ou Jaguar. On trouve également toute la collection à la bibliothèque du Congrès, à Washington (DC), y compris celui sur… l’Équateur, le seul pays d’Amérique latine dont l’équipe se soit occupée.
En 1976, pour le premier volume consacré à la Haute-Volta (ancien nom du Burkina Faso), on recrute une assistante pour Georges Laclavère. Elle s’appelle Anne Lerebours-Pigeonnière. « Anne était passionnée de géographie, raconte Françoise Delaroche. Discrète, efficace, intelligente, elle a été la cheville ouvrière de la série. » Cameroun, Côte d’Ivoire, Gabon, Mali, Maroc, Mauritanie, Niger, Sénégal… les titres se suivent. Les africanistes les plus compétents, comme les professeurs Pierre Vennetier ou Jean-Robert Pitte, sont sollicités. Pour le Zaïre (aujourd’hui RD Congo), l’équipe utilise les ressources de l’Institut géographique du Zaïre (IGZ), une antenne de l’IGN située à Kinshasa. Pour la Guinée équatoriale, le travail est ardu, car il n’existe aucun document, ni en Europe, ni sur place. On fait alors appel à deux chercheurs de l’Union européenne qui, quelques années auparavant, ont fait des repérages sur le terrain. La palette s’élargit ensuite avec des rééditions en anglais et en espagnol.
Le 27 novembre 2004, les Éditions du Jaguar sont récompensées par le prix Georges-Erhard, décerné par la Société de géographie (voir J.A.I. nos 2288 et 2291). C’est un hommage post mortem pour Georges Laclavère, disparu en 1994 et qui ne sourit plus que sur le joli timbre à 4 francs français édité à son effigie en 1998. Pour Anne aussi, décédée en 2002 d’un cancer. Elle venait de mettre la dernière main à l’ouvrage sur le Nigeria.
Mais l’expertise des Éditions du Jaguar est désormais bien établie. Les projets sont nombreux pour 2005 : Burkina Faso, Cameroun (en anglais et en français), Tchad et Angola.

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