Guerre humanitaire

Publié le 10 janvier 2005 Lecture : 2 minutes.

Il n’y a que les naïfs pour croire qu’une catastrophe naturelle puisse interrompre les rivalités et les affrontements entre les puissances mondiales. Au contraire, elle les exacerbe. Car il s’agit non seulement de prouver ce qu’on pèse en influence et en capacité d’intervention, mais aussi de faire de la politique en peaufinant son image auprès des opinions publiques, en rehaussant son prestige et en accentuant son emprise. Surtout lorsque la zone concernée se trouve dans un continent, l’Asie, où la concurrence économique est féroce compte tenu du poids de ses nouveaux marchés. Le tsunami est ainsi au centre d’une guerre, pacifique celle-là, nourrie par l’argent, présenté comme une « aide », et la force militaire, les guerriers étant soudainement transformés en auxiliaires humanitaires. Il n’est pas davantage étonnant que les interventions les plus symboliques soient celles des deux nations, l’américaine et la chinoise, qui seront les grandes rivales des prochaines décennies et dont l’antagonisme pèse déjà sur le monde d’aujourd’hui.

Comme d’ordinaire, Washington a étalé sa force. Financière, d’abord, en annonçant que l’aide aux victimes du séisme serait multipliée par dix par rapport à ce qui avait été initialement prévu. Militaire, ensuite, en déployant treize mille hommes et vingt bateaux, dont un porte-avions, et en mobilisant les bases militaires dont les États-Unis disposent en Corée du Sud et au Japon, l’ensemble constituant la plus grande opération militaire américaine en Asie depuis la guerre du Vietnam. Par cet effort massif, l’administration Bush espère notamment faire oublier ses fautes en Irak et sa réputation d’ennemi de l’islam puisque l’Indonésie, le pays musulman le plus peuplé du monde, bénéficie en priorité de son aide. C’est aussi le moyen de fédérer autour de l’Amérique des États de l’océan Indien, quitte à faire peu de cas des initiatives de l’ONU et de l’Union européenne.

la suite après cette publicité

La Chine n’entend pas être en reste. Depuis la catastrophe, son aide financière a été revue à la hausse à plusieurs reprises et l’ensemble de son action est géré directement par le Premier ministre. C’est dire l’importance qu’elle attache à cette affaire et son souhait de ne pas laisser, à cette occasion, les États-Unis et le Japon jouer seuls un rôle majeur dans la région. Elle entend, au contraire, faire comprendre qu’il faut compter avec elle et que, même à propos d’une catastrophe naturelle, une politique du « splendide isolement » n’est plus d’actualité. Voici pourquoi ceux qui s’intéressent à la vie du monde doivent aussi regarder les suites du tsunami comme un événement politique.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires