Filières d’avenir

Du transport au tourisme en passant par les hydrocarbures, les télécommunications ou l’agriculture de contre-saison, plusieurs pistes s’offrent au pays pour diversifier son économie.

Publié le 10 janvier 2005 Lecture : 11 minutes.

Transport
Passage obligé
Le Sénégal pourra-t-il rivaliser avec le Togo, le Bénin ou le Ghana pour assurer le transit des marchandises dans l’hinterland sahélien ? La Côte d’Ivoire voie de passage obligée vers la mer pour le Mali et le Burkina ne peut plus jouer ce rôle, ce qui éveille bien des convoitises. Si Ouagadougou s’est logiquement reporté sur Lomé et Cotonou pour des raisons de proximité, Dakar n’a pas engrangé tous les dividendes qu’il aurait pu tirer de la nécessité, pour Bamako, de trouver une alternative à Abidjan.
Principale responsable : la vétusté de la voie ferrée Dakar-Bamako, qui la rend peu fiable et incapable d’absorber un soudain surplus de trafic. Les fréquentes pannes qui affectent cette liaison la seule à relier par voie de terre les deux pays la rendent peu attractive. Toutefois, on peut s’attendre à une rapide amélioration des conditions du transport ferroviaire au vu des premiers résultats, prometteurs, de la privatisation du chemin de fer, réalisée en octobre 2003. La concession a été accordée, pour une période de vingt-cinq ans, au consortium Transrail, composé des sociétés canadienne Canac et française Getma, et une amélioration du trafic a été rapidement constatée depuis. Un plan d’investissement de 35 milliards de F CFA est programmé par les nouveaux actionnaires. Il
devrait permettre d’acquérir de nouveaux matériels (locomotives et wagons) et de rénover l’ensemble des installations fixes, voie ferrée et systèmes de télécommunications en
particulier. Les bailleurs de fonds ont été sollicités, dont la France et le Canada.
Quant à la liaison routière entre les deux capitales, elle restera en dessous des standards d’une liaison internationale dans la partie malienne tant que les travaux d’aménagement en cours ne seront pas achevés entre Kidira, à la frontière sénégalaise, et
la ville de Kayes, sur une distance d’une centaine de kilomètres. La date d’achèvement des travaux par la Compagnie sahélienne d’entreprises (CSE) a été récemment reportée de
mai à novembre 2005.
En début de chaîne, au port de la capitale sénégalaise, des investissements importants sont prévus pour décongestionner le trafic, avec la construction d’un terminal à conteneurs et d’une plate-forme de distribution afin, comme l’a récemment rappelé le ministre de l’Économie maritime, Djibo Kâ, de faire de Dakar « le port d’éclatement de la sousrégion ». De son côté, le transporteur maritime Maersk Sénégal a inauguré, fin novembre, une nouvelle plateforme logistique composée de 5200 m2 d’entrepôts. Coût de l’investissement : 1 milliard de F CFA.
Sur le plan intérieur, un peu plus de deux ans après le dramatique naufrage du Joola, qui a coûté la vie à plus de 1 800 personnes, le gouvernement a annoncé, en novembre 2004, qu’un bateau allait être loué à l’Indonésie pour permettre enfin la reprise de la liaison maritime entre Dakar et Ziguinchor, en Casamance, et assurer de nouveau cette desserte vitale pour la région la plus méridionale du pays. Cette mesure devrait être transitoire, en attendant l’acquisition d’un navire grâce à un financement attendu de la Banque européenne d’investissement (BEI). L’exploitation de ce navire sera concédée à un opérateur privé. À Ziguinchor, des travaux de réhabilitation et d’agrandissement du port
fluvial sont en cours, sur financement de l’Agence française de développement (AFD). Ils devraient être achevés en mars et permettre ainsi une augmentation du trafic.

Agro-industrie
Produits de contre-saison
Tomates, poivrons, piments, haricots et, bientôt peut-être, asperges… ces légumes sont cultivés à échelle industrielle pour être ensuite exportés vers l’Europe. Les Grands Domaines du Sénégal (GDS), filiale de la Compagnie fruitière (France), ont installé des serres sur une superficie de 45 hectares à Ndiawdoune, près de Saint-Louis, dans la vallée du fleuve Sénégal : un investissement important pour produire ces légumes dans des conditions optimales de sécurité. Leurs abris artificiels ont la particularité d’être insect proof ; autrement dit, ils empêchent les insectes d’infester les cultures, ce qui est important compte tenu des normes de plus en plus drastiques exigées sur le marché européen. Autre avantage de taille, souligné par Karim Dip, le directeur général des GDS : « Nos cultures ont été épargnées par les criquets qui se sont abattus sur le pays cette année. »
Pour s’affranchir des contraintes climatiques, les serres sont équipées de systèmes d’irrigation au goutte-à-goutte, qui apportent en même temps eau et engrais. Ce procédé appelé « fertilisation » est piloté par ordinateur. L’humidité ainsi que la température des serres sont régulées au moyen de foggers, des brumisateurs qui pulvérisent de minuscules gouttelettes d’eau dans l’atmosphère selon une programmation également informatisée.
Une fois récoltés, les légumes sont stockés en chambres froides, conditionnés sur le lieu même de production, puis transportés en conteneurs frigorifiques et par bateau vers l’Europe par l’intermédiaire d’une filiale de la Compagnie fruitière, créée en 2001 au Sénégal, pour être ensuite commercialisés à Paris et à Londres, via deux filiales du groupe marseillais.
Cette exploitation high-tech va permettre d’alimenter le marché européen en cultures dites de contre-saison, entre novembre et avril, à une époque où ces produits ne sont pas cultivés en Europe à cause du froid hivernal. Pour cette première campagne 2004-2005, l’objectif annoncé est de 3 500 à 4 000 tonnes, tous légumes confondus. À terme, une fois la machine bien rodée, entre 15 000 et 18 000 tonnes par an sont visées. La Compagnie fruitière a déjà initié un projet similaire, mais de dimension beaucoup plus modeste, de l’autre côté du fleuve, en Mauritanie, où l’on produit essentiellement du melon.
Localement, les retombées sont loin d’être négligeables, puisque la société fournit du travail à un millier de personnes réparties entre la production et le conditionnement, affirme Karim Dip. Jusque-là, la Compagnie fruitière, bien implantée dans la production de fruits (bananes, ananas et mangues), en particulier en Côte d’Ivoire, au Ghana et au Cameroun, avait restreint son activité au Sénégal à l’importation de bananes de Côte d’Ivoire et à l’exportation de quantités limitées de productions maraîchères locales.

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Tourisme
À l’heure de la relance
Le tourisme sénégalais est-il malade ? Beaucoup le pensent et le disent, tant le bilan de ces dernières années soulève de questions. L’industrie locale repose sur deux puissants atouts : les plages et l’ensoleillement. Son slogan pourrait être : 500 km de plages à cinq heures de vol de l’Europe. C’est la deuxième source de devises après la pêche, et ses recettes couvrent l’équivalent des importations annuelles de riz. Le Sénégal est la première destination touristique d’Afrique francophone et entend bien le rester.
Mais, ces dernières années, le pays a subi la forte concurrence du Maghreb (Maroc et Tunisie), de l’Asie du Sud-Est, des Caraïbes et de l’océan Indien sur le marché touristique international, avec un handicap : le coût élevé du transport aérien sur Dakar. La flambée de l’euro par rapport au dollar contribue à renchérir le voyage par rapport aux destinations rivales, à la monnaie indexée sur le dollar. Facteur aggravant, l’un des principaux pôles touristiques du Sénégal, la Casamance, a perdu une partie de son attractivité, l’insécurité ayant dissuadé les Français, qui représentent 60 % des touristes étrangers, de s’y rendre. L’accord de paix signé le 30 décembre entre les autorités et la rébellion pourrait toutefois changer la donne.
Confiant dans l’avenir de la province, le ministre du Tourisme, Ousmane Massek Ndiaye, avait ouvert la saison touristique de 2004 à Cap Skirring, principale station de la région, et annoncé plusieurs projets de relance. À cette occasion, le président du Syndicat patronal des professionnels du tourisme, Mamadou Racine Sy, a demandé au gouvernement d’aider les responsables à « reconstruire, rénover et étendre » les infrastructures touristiques de la Casamance. Les travaux d’allongement de la piste de l’aéroport de Cap Skirring, qui seront achevés en janvier, permettront déjà d’augmenter la capacité des avions sur la liaison hebdomadaire avec Paris. Les autorités ont également prévu de revoir l’occupation foncière de Cap Skirring dans l’objectif de déloger certaines installations non déclarées.
Plus généralement, la question du développement d’un secteur informel préoccupe autant les professionnels que le gouvernement, qui envisage des mesures pour mieux contrôler l’activité hôtelière et para-hôtelière. L’ouverture de la liaison hebdomadaire Paris/Saint-Louis par Air Sénégal International devrait encourager l’initiative dans un domaine jusqu’ici négligé, l’écotourisme, de pair avec l’aménagement de sites naturels protégés. Conjointement, la toute nouvelle Agence nationale de promotion touristique va agir comme un véritable « office du tourisme » au niveau national.

Télécoms
La fin d’un monopole historique
La télévision chez soi via sa ligne téléphonique, c’est ce que propose désormais la Sonatel. La Société nationale des télécommunications utilise, à cette fin, la technologie de l’ADSL (Internet à haut débit), introduite au Sénégal en mars 2003. Le lancement de l’opération a eu lieu en décembre, à la Foire internationale de Dakar (Fidak). Après une phase expérimentale portant sur 200 abonnés, cette offre de télévision numérique sera étendue, courant 2005, aux clients de la Sonatel de la région de Dakar. Ils devront s’équiper d’un modem haut débit et d’un décodeur qui permettra de décrypter les images numériques transmises par la ligne téléphonique et de les diffuser sur leur téléviseur. L’opération a été réalisée en partenariat avec Canal Horizons qui propose aux abonnés six chaînes de télévision en qualité numérique et des programmes de vidéo à la demande (cinéma, documentaires, sport, concerts, etc.).
Cette innovation illustre bien le niveau de technologie atteint par les télécommunications au Sénégal, avec réseau numérique et fibres optiques au plan national, câbles sous-marins et satellites pour l’international. C’est cette qualité du réseau qui a attiré les centres d’appels à Dakar et fait du Sénégal un des principaux sites d’accueil de cette activité offshore pour la France et la Belgique, aux côtés du Maroc et de la Tunisie.
Pour autant, ces performances ne concernent que de très loin le monde rural où le taux d’abonnés au téléphone reste très bas : 51 % de la population, mais moins de 1 % du nombre total d’abonnés, selon l’Agence de régulation des télécommunications (ART). La Sonatel tente de combler ce retard par un important programme d’investissement (40 milliards de F CFA depuis 1997).
Si le secteur des télécommunications est aujourd’hui le premier pôle d’activité du tertiaire avec 10 % de son chiffre d’affaires, c’est surtout grâce à l’explosion de la téléphonie mobile : dans ce secteur, le Sénégal compte actuellement 961 000 abonnés, soit 8 habitants sur 100. En 2001, le nombre d’abonnés au mobile a dépassé celui des abonnés au fixe. La progression est évaluée à 30 000 nouveaux clients par mois, générant un chiffre d’affaires en hausse de 30 % par an. Deux opérateurs se partagent ce marché lucratif : la Sonatel en détient les deux tiers, le reste revenant à la Sentel, filiale du luxembourgeois Millicom, implantée depuis 1999. Celle-ci se vante d’être « l’opérateur le moins cher du pays et de la sous-région, quelles que soient la destination et l’heure d’appel », dixit Lamine Diagne, son directeur commercial.
La fin du monopole de la Sonatel sur la téléphonie fixe a été officiellement déclarée le 20 juillet dernier. Le gouvernement achève la préparation d’une « lettre de politique sectorielle » qui fixera les modalités de l’ouverture de l’ensemble du secteur à la concurrence. La publication de cette lettre est imminente. Des appels d’offres seront ensuite lancés pour l’attribution de nouvelles licences. Bouclage de l’opération en 2005.

Hydrocarbures
Rêve de brut
Les récentes découvertes pétrolières, au large des côtes mauritaniennes, ont relancé l’intérêt pour la prospection au Sénégal. Les résultats ne se sont pas fait attendre, puisqu’en 2004 quatre contrats ont été signés avec des sociétés pétrolières, dont deux durant le mois de décembre. Le 17 décembre, un accord a été conclu avec la Kampac Oil, une société basée aux Émirats arabes unis. Dirigée par le Ghanéen Charles Ampofo, Kampac Oil prévoit d’investir 41,5 millions de dollars sur sept ans pour réaliser des forages d’exploration onshore dans la région de Louga, au nord du pays. La compagnie nationale sénégalaise Petrosen est associée à ces recherches, mais c’est Kampac Oil qui en supportera les frais. En cas de découverte commerciale d’hydrocarbures, les deux sociétés disposeront d’une autorisation d’exploitation d’au moins vingt-cinq ans. Trois jours plus tôt, le groupe Al Thani, également basé aux Émirats, a signé un contrat similaire pour mener des recherches dans des zones offshore situées près de Kayar, au nord de Dakar, et en Casamance. Les investissements prévus s’élèvent à 45 millions de dollars sur sept ans et porteront sur des études de prospection sismique et quatre forages d’exploration. Pus tôt dans l’année, les groupes américain Hunt Oil et italien Edison se lançaient également dans l’exploration. Aujourd’hui, l’ensemble des blocs offshore sont alloués, à l’exception de l’un d’entre eux, en cours d’attribution et situé au large de Saint-Louis, à la limite des eaux mauritaniennes. Jusqu’à présent, la majorité des forages d’exploration avaient été réalisés dans la région du Cap-Vert, à proximité de Dakar, et au large de la Casamance. Le Sénégal importe toujours la totalité du pétrole qu’il consomme. Seules de petites quantités de gaz sont produites et livrées à la Sénélec pour alimenter ses centrales.
S’il n’est pas producteur de brut, le pays est aujourd’hui une plaque tournante pour le raffinage et la distribution des produits pétroliers dans la sous-région. La Société africaine de raffinage (Sar) procède actuellement à des travaux de modernisation de sa salle de contrôle, et se dote d’équipements informatiques pour la vérification numérique des opérations. La Sar va également bénéficier de dispositifs de sécurité antiexplosifs. Les travaux, qui devraient s’achever en mai prochain, représentent un investissement total de 5,5 milliards de F CFA. En attendant d’hypothétiques découvertes, la Sar importe la totalité de son brut du Nigeria. La production est destinée au marché local et à l’exportation vers le Mali, la Gambie, la Guinée et la Guinée-Bissau. La distribution est assurée par les groupes Total, Shell, Mobil et Elton, tandis que le groupe britannique Oryx est surtout spécialisé dans l’approvisionnement en gasoil des navires de pêche.

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