Faut-il trembler pour l’Afrique ?

Séismes au Maroc et en Algérie, éruption volcanique en RD Congo… Le continent connaît son lot de catastrophes. Mais sa situation diffère de celle de l’Asie.

Publié le 10 janvier 2005 Lecture : 4 minutes.

Le 24 février 2004, la terre tremblait à al-Hoceima, dans le nord du Maroc, tuant 572 personnes. Moins d’une année auparavant, en mai 2003, 2 200 Algériens périssaient lors d’un séisme à Boumerdès, près d’Alger. En janvier 2002, à l’est de la RD Congo, le volcan Nyiragongo entrait en éruption et recouvrait de lave la ville de Goma, faisant 200 morts. Trois tragédies, pour ne citer que les plus récentes, dans un continent qui, parce qu’il n’est traversé par aucune frontière tectonique importante, reste relativement protégé des catastrophes « terrestres » à défaut de l’être des fléaux climatiques (sécheresse et cyclones).
Deux grands systèmes sismiques affectent l’Afrique : en Méditerranée et dans le Rift éthiopien. Dans le premier cas, les continents africain et européen se rapprochent. Au niveau de l’Algérie, les deux plaques se resserrent, de 6 millimètres par an, soit dix fois plus lentement qu’à Sumatra, où la plaque indo-australienne se déplace vers le nord-est. Du Maroc à la Grèce, la zone est parcourue de multiples failles, généralement de petite taille (10 km à 40 km). La magnitude étant directement liée à la taille de la fracture (à Sumatra, la faille a cassé sur 600 km de long), les séismes ne dépassent jamais 7 ou 8 degrés sur l’échelle de Richter.
À l’est du continent, la géologie du Rift est très différente. Les plaques s’écartent, d’où la formation de séismes dits en extension, de magnitude modérée et d’éruptions volcaniques. À Djibouti et en Éthiopie, des éruptions et des séismes de faible ampleur ont lieu régulièrement sans présenter de risque majeur. Les deux phénomènes sont d’ailleurs liés, les plaques tectoniques reposant sur le magma terrestre. « Les jours précédant une éruption volcanique, la remontée de magma à la surface provoque de petits séismes », explique Michel Cara, directeur de l’Institut de physique du globe de Strasbourg. À la Réunion, par exemple, depuis une dizaine d’années, les explosions du volcan du Piton de la Fournaise sont prévisibles grâce aux relevés sismiques.
Compte tenu de cette structure géologique, « le risque que l’Afrique soit un jour affectée par un raz-de-marée de l’ampleur de celui qu’a connu l’Asie le 26 décembre est extrêmement faible », précise Vincent Courtillot, directeur de l’Institut de physique du globe de Paris. Il ne faut pas pour autant en conclure à l’absence de tsunami sur les côtes du continent africain. Une vingtaine d’entre eux y ont été recensés en deux mille ans, notamment en Méditerranée. Le dernier, provoqué par le séisme de mai 2003 en Algérie, a causé des dégâts dans les ports des îles Baléares. Le risque le plus grand vient des séismes nés dans la zone est de la Méditerranée, vers la Grèce, où les deux plaques tectoniques se chevauchent. En 363 après J.-C., un tremblement de terre en Crête avait provoqué un raz-de-marée qui a ravagé les côtes du Proche-Orient, de Sicile et d’Égypte, faisant des milliers de morts. En 551, la côte libano-syrienne était dévastée à son tour. « Des petits tsunami très localisés peuvent également se former à la suite de glissements de terrain sous-marins provoqués par les séismes de Méditerranée et d’Afrique du Nord, indique le sismologue Pascal Bernard. Mais cela n’a encore jamais eu lieu. »
Seules la recherche scientifique, la mise en place de systèmes d’alerte et la prévention permettent de lutter contre ces catastrophes. Les éruptions volcaniques sont prévisibles. Si les séismes, eux, ne le sont pas, les tectoniciens et les sismographes sont aujourd’hui capables de localiser les épicentres, la fréquence et la répartition spatiale des secousses. Tous les pays d’Afrique du Nord et quelques pays d’Afrique de l’Est disposent de centres d’études géophysiques. Manquent les structures de coordination et, trop souvent, les moyens. La vulnérabilité des pays, en Afrique comme en Asie du Sud-est, face à ce type de catastrophe, tient à leur difficulté à prévoir et à prévenir. Lors du tsunami du 26 décembre, les côtes de l’Afrique de l’Est ont été atteintes sept heures après l’arrivée de la vague en Indonésie. En l’absence d’infrastructures de transports et de communication suffisantes, les Somaliens, les Kényans et les Tanzaniens n’ont pu être prévenus à temps. À ce jour, seul le Pacifique est doté d’un système d’alerte.
Enfin, la prévention reste primordiale. Il s’agit avant tout d’éduquer les populations. Ainsi, à Goma, des panneaux de sensibilisation dotés de drapeaux d’alerte (vert-orange-rouge) ont été installés aux endroits stratégiques de la ville, afin de sensibiliser la population et de l’avertir en cas de réveil du volcan. Les habitants continuent cependant de construire de plus en plus haut sur les pentes du volcan, car les terres y sont plus fertiles. La maîtrise de l’urbanisation est essentielle. Mohamed Abchir, responsable de l’Afrique au Secrétariat des Nations unies pour la prévention des catastrophes naturelles (ISDR), souligne le danger des séismes dans les zones à forte densité de population comme les mégalopoles d’Afrique du Nord. D’où l’importance des plans d’aménagement du territoire et du respect des normes parasismiques, comme le rappelle Salvano Briceno, directeur de l’ISDR. Ainsi, lorsque vingt-six ans après le séisme d’Orléansville (septembre 1954), un nouveau tremblement de terre affecta la ville (rebaptisée El-Asnam), en octobre 1980, les dégâts y furent d’autant plus importants que la reconstruction n’avait pas respecté les normes parasismiques.
Aujourd’hui, la plupart des pays ont adopté des codes en la matière. Mais ils ne sont pas toujours appliqués et n’ont pas valeur rétroactive… Les gouvernements africains affirment s’intéresser au sujet. Les ministres de l’Environnement de l’Union africaine ont adopté un plan stratégique pour la prévention des catastrophes naturelles. Cette feuille de route, présentée lors du sommet des chefs d’État africains à Addis-Abeba en juillet dernier, sera à l’ordre du jour de la prochaine conférence mondiale sur les catastrophes naturelles qui doit s’ouvrir à Kobe (Japon), le 18 janvier 2005.

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