Business mode d’emploi

Un vent de modernisme souffle sur Dakar, métropole tournée vers l’avenir. Les autoritésont décidé de favoriser les initiatives privées. De grands projets voient le jour etdevraient transformer l’économie dans les vingt années à venir.

Publié le 10 janvier 2005 Lecture : 5 minutes.

« Ce n’est plus possible. Il faut plus d’une heure pour traverser Dakar, de jour en jour davantage encombré. » Serigne Mbaye, chauffeur de taxi de son état, est au bord de la crise de nerfs. Naguère essentiellement concentrés dans le centre-ville, les embouteillages s’étendent dorénavant du port jusqu’à Yoff. Une situation inquiétante, si les pouvoirs publics n’y prêtaient l’attention nécessaire. « Pour le chef de l’État, le développement des entreprises va de pair avec celui des infrastructures », explique Soulèye Wade, chef de marché à l’Agence de promotion des investissements et des grands travaux (Apix). Afin de désencombrer la capitale, les autorités mettent en uvre un
Programme d’amélioration de la mobilité urbaine (Pamu) financé par la Banque mondiale, et de nombreux ronds-points sont actuellement en cours d’aménagement. L’État a également prévu l’édification d’un nouveau site industriel à Diamniadio, à trente kilomètres de Dakar. Ces mesures ont pour objectif de faciliter le travail des opérateurs économiques, qui se trouvent à l’étroit dans l’agglomération et n’ont pas manqué de le faire savoir.
Adepte d’une politique libérale, l’équipe du président a, en effet, mis en place un dispositif spécifique de concertation avec les chefs d’entreprise. Il s’appuie plus particulièrement sur le Conseil présidentiel sur l’investissement.
Un guichet unique a été mis en place pour faciliter la gestion des formalités administratives auxquelles sont astreints les investisseurs nationaux et étrangers. Ce qui
a permis de les réduire, même si certains émettent des réserves : « Les choses vont dans le bon sens, mais on constate encore des lourdeurs de fonctionnement », indique un entrepreneur européen. Pierre angulaire de ce dispositif, l’Apix catalyse la mise en uvre des projets des opérateurs privés. Ses agents organisent également des missions pour vendre la destination « Sénégal » à l’international. Le montant annuel des investissements directs étrangers (IDE) est passé de 39 millions de dollars en 2001 à 78 millions en 2003, mais il est encore jugé insuffisant par les autorités. Quatre grands
domaines prioritaires ont été définis : le tourisme, les nouvelles technologies de l’information et de la communication, l’agriculture et l’agro-industrie, ainsi que
l’industrie légère. Autant de secteurs où le pays se targue d’offrir des avantages incontestables.
Le Sénégal a hébergé 900 000 touristes en 2004 et prévoit d’en accueillir 1,6 million d’ici à 2006. Les hôtelspoussent comme des champignons, et le transport aérien connaît un boom sans précédent. L’aéroport de Dakar tourne à plein régime. Trop exiguës, les salles d’enregistrement et de débarquement sont souvent bondées. La compagnie Air Sénégal International a ouvert plusieurs liaisons hebdomadaires vers Paris et d’autres villes
françaises et commence à faire de l’ombre à Air France.
Le secteur des nouvelles technologies de l’information est également en plein essor. Téléphonie par Internet, centres d’appels, système informatique de surveillance autant de domaines où les ingénieurs sénégalais et leurs partenaires occidentaux ont su développer des services de pointe, commercialisés aux sociétés africaines et européennes. Dans le secteur agricole, tomates-cerises, melons, haricots verts et mangues trouvent un
débouché commercial en Europe sur le marché des produits hors saison. Avec quelque 12 000 tonnes en 2003, leur exportation se développe. Les Grands Domaines du Sénégal, filiale de la Compagnie fruitière de Marseille installée dans la vallée du fleuve Sénégal, est une des entreprises les plus dynamiques du secteur. Si l’activité industrielle est encore
balbutiante, les autorités comptent bien en faire un domaine d’excellence en soutenant des initiatives comme Senbus Industries pour la production et l’assemblage de bus de transport en commun à Thiès. Dakar se prend également à rêver de pétrole, comme ses voisins mauritanien et malien. Des concessions d’exploration offshore sont en cours d’attribution.
Selon une étude de l’Africa Foreign Investor Survey réalisée en 2003 pour l’Agence des Nations unies pour le développement industriel (Onudi), le Sénégal propose un environnement des affaires plus favorable que bien d’autres pays africains. La main-d’uvre y est compétente et bien formée. « Nous trouvons sans difficulté des ingénieurs. Nous disposons de centres de formation de haut niveau, et beaucoup de cadres supérieurs sénégalais employés en Europe et aux États-Unis ont choisi de rentrer au pays », témoigne Malick Seck, directeur de Call me, société spécialisée dans les centres d’appels. Selon cette étude, le Sénégal surpasse les autres pays africains en matière de stabilité économique et de performance. En 2003, l’économie a enregistré un gain de compétitivité de l’ordre de 1 %, malgré l’appréciation de l’euro par rapport au dollar. La croissance est également au rendez-vous: 6,5 % en 2003 et 6 % en 2004. Des chiffres qui laissent néanmoins les chefs d’entreprise sur leur faim. C’est la substance du message adressé au chef de l’État lors des assises annuelles du Conseil national du patronat du Sénégal (CNP), les 9 et 10 décembre dernier. « Le gouvernement doit accorder son soutien aux secteurs porteurs de croissance et d’emplois: le tourisme, le bâtiment et les travaux publics, les téléservices, le montage de véhicules, la manutention portuaire, et tant
d’autres domaines où les Sénégalais sont présents », considère Baïdy Agne, président du CNP. Un soutien qui permettra aux entreprises sénégalaises de lutter à armes égales avec
leurs concurrentes américaines, européennes et sud-africaines. Le CNP insiste pour que les autorités renforcent leurs actions contre la fraude, le dumping et la contrefaçon. Et améliorent le dispositif d’appui (incitations fiscales, baisse de la TVA et de l’impôt sur les sociétés, etc.) pour faire face à la réduction des droits de douane sur les produits importés dans le cadre de l’accord de libre-échange avec l’Union européenne et des nouvelles règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Les patrons appellent
également à un renforcement des compétences des travailleurs sénégalais. Ce processus doit se poursuivre tout au long de la carrière des salariés et leur permettre d’accéder à des formations qualifiantes.
Côté gouvernemental, on est persuadé que la stratégie de développement du secteur privé va porter ses fruits. L’État ne cesse de peaufiner l’environnement des entreprises.
Plusieurs textes (code des investissements, code général des impôts, code minier) ont été adoptés ou rénovés depuis novembre 2003. Aux sociétés industrielles, agricoles et de services qui exportent plus de 80 % de leur production, les pouvoirs publics accordent le statut d’entreprises franches d’exportation. Avec, à la clé, des exonérations sur les droits de douane, les taxes salariales, les droits de timbre et d’enregistrement, les impôts fonciers, et une réduction de l’impôt sur les sociétés. Reste à veiller à la bonne application de toutes ces mesures.

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