Adjugées !

terre promise, d’Amos Gitaï (sortie à Paris le 12 janvier)

Publié le 10 janvier 2005 Lecture : 2 minutes.

La dernière oeuvre du plus grand réalisateur israélien, Amos Gitaï, mérite à coup sûr d’être qualifiée de radicale. Impossible d’assister à une projection de Terre promise sans recevoir comme un coup de poing en plein visage. Pendant une heure et demie, il n’y a pas une séquence, génériques de début et de fin compris, pendant laquelle le spectateur pourrait reprendre son souffle ne serait-ce qu’un tout petit moment. D’une image à l’autre, d’une scène à l’autre, tout se passe de façon trépidante. Comme dans un thriller échevelé.
L’histoire que raconte le film, certes des plus sombres, n’obligeait pourtant pas son auteur à choisir cette « forme » extrême pour la traduire sur l’écran. Tout commence dans le désert du Sinaï, où l’on assiste, de nuit, à l’avancée d’une caravane vers la frontière israélienne. Mais cette caravane n’est pas comme les autres : les marchandises, chargées au Caire, que les Bédouins vont livrer clandestinement avant le lever du jour, ce sont des êtres humains, plus précisément de jeunes et jolies jeunes femmes originaires des pays de l’Est européen. Ces victimes d’un réseau international de traite des Blanches, dès la « livraison » effectuée, vont d’ailleurs être cédées comme du bétail aux plus offrants, au cours d’une terrible séance de vente aux enchères en plein air à la lueur de phares de voitures. Puis, après avoir été ainsi jusqu’au bout de l’humiliation, se retrouver captives, et vouées à la prostitution, dans diverses villes de l’État hébreu ou des territoires occupés.
Avec des dialogues et une intrigue réduits au minimum, aucun personnage principal, des mouvements de caméra incessants, Gitaï propose un film brut, loin de tout esthétisme, pour conduire – on pourrait dire : obliger – le spectateur à imaginer, à éprouver même, tout ce que les situations décrites ont d’insupportable. À l’inverse des documentaires qui décortiquent un thème, Terre promise – un titre à comprendre sur le mode antithétique, bien sûr – montre tout, y compris le plus cru et le plus cruel, mais n’explique rien. Ce qui l’apparente à l’un des longs-métrages précédents du cinéaste, qui se voulait, sous forme de fiction déjà mais dans un style plus classique, un véritable reportage sur le vif : l’excellent Kippour, un film de guerre antiguerre sur le conflit de 1973, tourné en 2000.
Grâce à son parti pris sans concession, que permet une utilisation brillante de la caméra numérique, Amos Gitaï empêche l’irruption du pathos : on ne peut éviter de ressentir un malaise face aux images, mais on n’a, pourrait-on dire, pas le temps de s’émouvoir. Il montre ainsi qu’on peut faire un film choc au rythme effréné, à la manière de certains polars américains d’aujourd’hui, sans pour autant cesser d’inviter le spectateur à réfléchir – fût-ce a posteriori, une fois le film terminé – et à se confronter par là même à un vrai sujet. Un sujet de société qu’il n’est évidemment pas interdit de considérer comme évoquant métaphoriquement la violence au Moyen-Orient.

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