Sarah Baatout

Astrophysicienne tuniso-belge, spécialiste du comportement des bactéries dans l’espace.

Publié le 9 octobre 2006 Lecture : 3 minutes.

« Si, dans vingt ans, on envoie une équipe de six astronautes vers Mars, le voyage aller-retour durera trois ans. Il faudra leur fournir de l’oxygène, de l’eau et de la nourriture, soit l’équivalent de 5 kg par personne et par jour. Le poids de la cargaison embarquée dans la navette avoisinerait 32 t. Chaque kilo coûterait en carburant environ 8 000 euros, soit 256 millions au total. Sans parler de la nécessité de ramener sur terre quelque 40 t de déchets ! » Chef de projet au Laboratoire de radiobiologie et de microbiologie du Centre d’étude de l’énergie nucléaire (SCK-CEN), à Mol, dans le nord de la Belgique, Sarah Baatout sait de quoi elle parle. « Ce simple exemple montre l’importance du problème du recyclage sur place des déchets, tant dans les voyages interplanétaires que dans les stations permanentes sur la Lune ou sur Mars », explique-t-elle.
Depuis 1989, les chercheurs de l’Agence spatiale européenne s’efforcent d’imaginer un écosystème fermé, basé sur les bactéries et les plantes. Ce système alternatif permettrait d’utiliser les rayons solaires pour transformer les déchets (gazeux, liquides ou solides) en énergie et produire de la biomasse consommable. C’est le concept « Boucle Melissa », que pilote depuis 1988 le Pr Max Mergeay, directeur du laboratoire de radiobiologie et de microbiologie du SCK-CEN. C’est aussi sur ce concept que travaille Sarah Baatout. Son rôle consiste à étudier le comportement physiologique des bactéries dans l’espace : mesurer leur taille, étudier leur forme et leurs caractéristiques membranaires… « En pratique, nous devons d’abord nous assurer que les bactéries envoyées dans l’espace ne nuisent pas au déroulement de la mission. Il faut également prévoir un système pour détecter et éliminer celles qui passeraient d’un compartiment bactérien pur à un autre. Si ce support de vie est effectivement utilisé dans l’espace, tout doit être prévu à l’avance », commente la chercheuse.

Sarah Baatout est née en 1969 à Uccle, près de Bruxelles, d’un père tunisien (installé en Belgique depuis 1958, Slah Baatout était administrateur délégué d’une maison d’édition) et d’une mère belge, Élise Wenders, institutrice de son état. Elle a fait toutes ses études à la prestigieuse Université catholique de Louvain. Titulaire d’une licence en biologie (1990), d’une maîtrise en biochimie et biologie moléculaire (1991) et d’un doctorat en biochimie sur les cancers du sang (1996), elle a suivi des stages aux États-Unis, au Canada et en France. Depuis 1995, elle est chercheuse au SCK-CEN, un centre de recherche dépendant du ministère fédéral de l’Énergie qui compte quelque six cents collaborateurs, dont beaucoup (un tiers) de chercheurs universitaires. Simultanément, elle poursuit des recherches en biologie du développement, en radiothérapie et en biologie spatiale. Ses travaux (elle compte une soixantaine de publications) ont permis de mieux comprendre les effets physiologiques des radiations sur les cellules d’embryons et les cellules cancéreuses. En 2005, elle a obtenu le prix Adolphe-Wetrems, la plus importante distinction scientifique belge, que décerne chaque année l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts à un Belge de moins de 40 ans qui a fait des « découvertes ou inventions utiles dans le domaine des sciences naturelles ».

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Première chercheuse du SCK-CEN à se voir attribuer cette distinction, Sarah Baatout est aussi experte au Conseil supérieur de l’hygiène (le ministère belge de la Santé), vice-présidente de la Société belge de cytologie analytique, chargée de cours à l’International School for Radiation Protection et membre du Consortium belge d’hadronthérapie (une nouvelle forme de radiothérapie basée sur l’utilisation d’ions de carbone et de protons).
Mariée depuis 1999 à Andrew Dobney, un chimiste britannique travaillant lui aussi au SCK-CEN, Sarah Baatout est mère de deux enfants. « Nous passons toujours nos vacances d’été dans la maison familiale à Béni Khiar, un village côtier près de Nabeul. C’est un paradis et un remède contre le stress », raconte Sarah. Loin des étoiles, des rayons et des bactéries, elle s’y laisse vivre sous le soleil de la Méditerranée.

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