Chine-Afrique : pourquoi le modèle du « manger amer » ne peut pas marcher
[Tribune] Oubliez les questions de la dette chinoise, des logiciels malveillants de Huawei et de la diplomatie du vaccin. Ce ne sont que différends temporaires, le seul et unique problème de la Chine en Afrique depuis la fin des années 1990 c’est la gestion du travail.
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Cobus Van Staden
Cobus van Staden est responsable de la recherche et de l’analyse au China Africa Project, plateforme indépendante et non partisane qui se consacre à l’exploration de toutes les facettes de l’engagement de la Chine en Afrique. Il coanime également le podcast hebdomadaire sur la Chine en Afrique et édite le bulletin d’information quotidien du China Africa Project.
Publié le 9 août 2021 Lecture : 2 minutes.
Ceux qui suivent l’actualité Afrique-Chine savent que chaque année reviennent les plaintes de travailleurs africains concernant leur traitement par les managers chinois. On les retrouve dans des secteurs aussi variés que les mines ou les médias.
Les plaintes diffèrent, mais elles tournent toujours autour des mêmes thèmes : conditions de travail particulièrement difficiles, journées interminables, bas salaires, promotions limitées et traitement irrespectueux, voire carrément abusif, de la part des managers.
Le rôle des réseaux sociaux
Il y a tout de même eu des changements perceptibles depuis le moment où la Chine a commencé à investir sur le continent, dans les années 1990. Grâce aux réseaux sociaux, les doléances des ouvriers peuvent faire le tour du monde, comme l’ont montré les récentes vidéos en provenance de la Sierra Leone et de la République démocratique du Congo.
C’est d’ailleurs assez ironique quand on sait que les réseaux de données exploités et les téléphones portables utilisés par les travailleurs africains ont été conçus et fabriqués par des Chinois.
Dans le cas sierra-léonais, il est rare qu’une entreprise chinoise (en l’occurrence China Railway Seventh Group) prenne ses responsabilités, présente des excuses publiques et licencie le responsable en question, qui avait proféré des menaces de mort et s’était battu avec un des ouvriers.
Le plus souvent les entreprises chinoises, soutenues par les ambassades locales, adoptent une position défensive, comme ce fut le cas en juin dernier en RDC après qu’une bagarre ait éclaté entre un ouvrier congolais et un cadre chinois. Ces scandales fournissent en revanche aux politiciens locaux une certaine visibilité médiatique.
Au même niveau que les employeurs occidentaux
Des études ont montré que les entreprises chinoises ne sont pas en général de moins bons employeurs que leurs homologues occidentaux.
Un rapport écrit en 2019 par Carlos Oya et par plusieurs autres spécialistes de l’Afrique et de la Chine a par exemple révélé que l’attitude des entreprises chinoises à l’égard des syndicats locaux était sensiblement la même que celle des autres entreprises étrangères (c’est-à-dire négative).
Bien entendu, il y a plusieurs entreprises chinoises en Afrique et elles ont toutes des approches différentes en termes de travail, approches définies en partie selon leur taille et leurs modèles commerciaux.
Le syndrome de stress post-traumatique lié à la main-d’œuvre reste l’un des aspects les moins examinés de l’histoire de l’industrialisation africaine. C’est l’une des principales raisons expliquant les difficultés rencontrées par le modèle chinois « manger amer » (吃苦) sur le continent.
En Asie, un accord tacite est signé entre les États qui veulent se développer économiquement, les propriétaires d’entreprises et les ouvriers, à savoir travailler comme un forcené pour un salaire misérable en échange d’une promesse de prospérité nationale. Selon cette logique il faut souffrir, un temps, pour réussir.
Mais cette recette ne peut pas fonctionner en Afrique, où les bas salaires et le surmenage ont toujours été la norme, sans que le miracle économique tant attendu ne se soit jamais produit, malgré les nombreuses promesses du contraire.
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