En Zambie non plus, « on ne peut pas manger les routes »

L’inflation et les difficultés économiques pourraient faire pencher la balance en faveur de l’opposition lors du scrutin présidentiel le 12 août qui s’annonce serré en Zambie, alors que le président sortant essuie des critiques sur sa gestion financière.

Le président Edgar Lungu de la Zambie lors de la cérémonie d’ouverture de la 51e assemblée annuelle de la Banque africaine de développement, à Lusaka, le 24 mai 2016. © Paul Kagame/Flickr/Licence CC

Le président Edgar Lungu de la Zambie lors de la cérémonie d’ouverture de la 51e assemblée annuelle de la Banque africaine de développement, à Lusaka, le 24 mai 2016. © Paul Kagame/Flickr/Licence CC

Publié le 9 août 2021 Lecture : 3 minutes.

L’an dernier, le pays enclavé d’Afrique australe riche en cuivre est devenu le premier État du continent à ne pas rembourser sa dette depuis l’apparition du coronavirus.

Le président Edgar Lungu, candidat à sa réélection le 12 août, est accusé notamment de s’être égaré dans des projets lourds d’infrastructure et d’avoir emprunté de manière non viable, notamment auprès d’investisseurs chinois.

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La valeur de la monnaie locale a plongé à des niveaux records et l’inflation a bondi de plus de 20% sous sa présidence, qui a aussi vu la dette extérieure gonfler à plus de 10 milliards d’euros l’an dernier et la confiance des investisseurs s’effriter.

Faible majorité

« La mauvaise gestion au niveau macroéconomique affecte les gens ordinaires », explique l’économiste zambien Trevor Simumba. « Les pauvres ne disposent pas de mécanismes pour ajuster leurs dépenses ».

Ces difficultés, alors que plus de la moitié des Zambiens vivaient sous le seuil de pauvreté avant même la pandémie, ne sont pas de bon augure pour un président qui n’a obtenu qu’une faible majorité lors de précédents scrutins.

L’élection jeudi risque d’être fort serrée entre le président Edgar Lungu et son rival de toujours, Hakainde Hichilema surnommé « HH », qui se présente pour la sixième fois.

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« La popularité d’Edgar Lungu s’est effondrée précisément en raison des résultats de l’économie », souligne l’économiste Grieve Chelwa. « Pour l’électeur zambien de base, quelqu’un qui travaille dans le secteur informel ou qui a un emploi faiblement rémunéré, tout tourne autour de l’économie ».

Dépenses inutiles

Les routes de Lusaka, la capitale animée qui concentre trois millions de Zambiens, se sont largement améliorées depuis l’arrivée au pouvoir d’Edgar Lungu en 2015.

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Autoponts pour désengorger les ronds-points, nids de poule comblés et voies de circulation élargies. « Conduire n’a jamais été aussi agréable », reconnaît Grieve Chelwa. Mais, comme dit l’adage populaire à Lusaka, « on ne peut pas manger les routes ».

Un panier mensuel moyen pour une famille urbaine de cinq coûte l’équivalent de 370 euros, selon le Centre de recherche jésuite, soit plus de huit fois le salaire minimum.

Le chômage a été exacerbé par la pandémie et le ralentissement de la production dans deux grandes mines de cuivre. « Beaucoup de Zambiens ont l’impression de payer la dette du gouvernement par l’augmentation du coût de la vie », relève Zaynab Mohamed du cabinet de conseil Oxford Economics, notant que Lungu « aborde les élections fragilisé en raison de la mauvaise gestion financière ».

Les soupçons de corruption sont répandus, les critiques dénonçant les dépenses inutiles du gouvernement et les coûts gonflés des projets publics. La responsabilité de ces projets est « très faible », confirme Trevor Simumba.

« Ils ont construit des cliniques et des écoles mais ils n’ont embauché ni médecins ni enseignants parce qu’ils n’ont pas les moyens », dit-il.

Les derniers mois du premier mandat d’Edgar Lungu ont été marqués par des négociations tendues avec le FMI en vue d’un renflouement. Mais le président a traîné sur les réformes financières, s’attachant plutôt à limiter les ravages de la pandémie et à s’assurer d’un soutien électoral.

« Le gouvernement sait bien que ça va mal, que le monde des affaires est mécontent de l’économie et plus susceptible de soutenir l’opposition », estime Nicole Beardsworth, universitaire sud-africaine.

Le récent sursaut du kwacha – largement attribué à l’augmentation du prix du cuivre, principale exportation de la Zambie – est considéré par beaucoup comme une ultime tentative pour sauver l’image du pays.

La Zambie a perdu « la confiance des investisseurs étrangers », constate Aleix Montana du cabinet Verisk Maplecroft. Et Hakainde Hichilema, économiste de formation, a une « approche plus favorable aux entreprises et moins axée sur le nationalisme des ressources ».

En Zambie, « les gens pensent que s’il est capable de diriger une entreprise, il devrait être capable de diriger le pays », explique Zaynab Mohamed.

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