Irak : la vérité en face

Publié le 9 octobre 2006 Lecture : 2 minutes.

Les groupes armés chiites et kurdes qui contrôlent les deux tiers du territoire irakien font chaque jour un peu plus sécession, laissant les insurgés sunnites et les marines américains se disputer le reste du pays. Le Premier ministre Nouri Kamal al-Maliki et son « gouvernement d’union nationale » tendent les bras à l’Iran et au Hezbollah libanais, avec qui ils sont sur la même longueur d’onde, mais ne lèvent pas le petit doigt pour mettre un terme aux exactions des milices et des escadrons de la mort qui sèment la terreur à Bagdad et dans le Sud à majorité chiite. Chaque jour, une centaine de civils sont tués. Nombre d’entre eux ont été au préalable sauvagement torturés. Pendant tout l’été, le nombre des civils irakiens abattus mensuellement a été supérieur à celui des victimes américaines des attentats du 11 Septembre. Dans le même temps, les coupures d’électricité sont incessantes, la production pétrolière diminue, le chômage s’étend et les services de base ne sont qu’exceptionnellement assurés.

L’Irak est aujourd’hui un pays brisé, déchiré par la guerre. Partout sauf au Kurdistan, qui continue de jouir d’une relative stabilité, quasiment toutes les familles – qu’elles soient sunnites ou chiites, riches ou pauvres, puissantes ou sans défense sont confrontées presque quotidiennement à la peur et à l’insécurité. Les tribunaux, quand ils fonctionnent, sont l’objet de continuelles interférences politiques. Une très expéditive justice « populaire » pallie de plus en plus leurs lacunes. Quant aux tribunaux religieux, ils étendent leur pouvoir sur la vie des familles. Les droits des femmes régressent à toute allure. Tous les Irakiens le savent : c’est le développement de la violence, non celui de la démocratie, qui est aujourd’hui le trait dominant de leur vie quotidienne. Et les Américains ne devraient pas l’ignorer.
Vouloir coûte que coûte maintenir le statu quo est futile : il est évident que le gros des forces terrestres américaines ne pourra rester indéfiniment en Irak. Les troupes US y sont déjà depuis quarante-deux mois, soit plus de temps qu’il n’en a fallu aux États-Unis pour terrasser Hitler. Cette situation affecte la capacité d’intervention à long terme de l’armée de terre et des marines, menace de détourner la Garde nationale de sa mission essentielle, qui est de veiller à la sécurité intérieure, et donne de fâcheuses idées à l’Iran et à la Corée du Nord. Pourtant, la détérioration de la situation militaire sur le terrain a conduit le Pentagone à écarter toute idée de retrait significatif des troupes dans un avenir prévisible.

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Pour échapper au désastre, s’il en est encore temps, il faudrait commencer par regarder la vérité en face. Or les hommes politiques [américains] ne sont nullement pressés de mettre en uvre des solutions sérieuses parce que leurs électeurs n’ont pas été préparés à comprendre les vraies données du problème. Les républicains se garderont d’évoquer une autre politique tant que leurs partisans resteront convaincus qu’une victoire en Irak est possible. Et une partie des démocrates s’abstiendront de proposer quoi que ce soit par crainte de devoir partager la responsabilité de cet épouvantable gâchis.

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