Umaro Sissoco Embaló : « Au Mali, il faut soutenir ceux qui détiennent le pouvoir »

Vaccins, crise malienne, gouvernance… Le président bissau-guinéen évoque les défis auxquels sont confrontés l’Afrique et son propre pays.

Umaro Sissoco Embaló, le président bissau-guinéen, à Paris, le 21 janvier 2020. © Vincent Fournier/JA

Umaro Sissoco Embaló, le président bissau-guinéen, à Paris, le 21 janvier 2020. © Vincent Fournier/JA

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Publié le 24 août 2021 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : Les vaccins chinois et russes, utilisés en Afrique, ne sont pas reconnus dans la majorité des pays occidentaux. Le continent est par ailleurs désavantagé dans la distribution des doses. Êtes-vous d’accord avec ceux qui dénoncent un « apartheid vaccinal »? 

Umaro Sissoco Embaló : Nous suivons avec beaucoup de préoccupation la politique vaccinale à l’échelle internationale et soutenons sans réserve tous les pays et organisations qui défendent un accès universel aux vaccins.

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Le processus vaccinal est injuste, puisque les pays pauvres ne sont pas en mesure de vacciner leurs populations au même rythme que les pays riches. À long terme, cette situation ne fera qu’exacerber les inégalités existantes. Or, la pandémie ne prendra fin que lorsque tous les pays auront accès aux vaccins.

En Guinée-Bissau, nous avons défini une stratégie visant à vacciner le plus grand nombre de personnes, avec le soutien du Haut-Commissariat contre le Covid, de l’Union africaine, du Portugal, des États-Unis et grâce au mécanisme Covax, entre autres.

Depuis un an, vous vous impliquez aux côtés des Maliens pour trouver une sortie de crise. Quel diagnostic faites-vous de la situation du pays ? Le président Goïta tient-il ses promesses ? 

S’agissant de la crise malienne, la Guinée-Bissau s’est toujours alignée sur les positions de la Cedeao. Tous les membres de cette organisation font la même analyse du danger que représente la progression des forces islamistes pour notre sous-région.

Nous sommes plus que jamais conscients que le péril jihadiste se rapproche. »

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Au vu de la complexité de la situation au Mali, je pense qu’il faut soutenir ceux qui détiennent le pouvoir. Nous suivons de près le cours des événements, nous employant à unir les différentes forces politiques et à cimenter la cohésion des forces armées maliennes.

Lors d’un récent séjour à Bamako, j’ai tenté de persuader les parties en présence de la nécessité de favoriser l’émergence d’un dialogue inclusif, susceptible de jeter les bases d’un nouveau Mali.

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Le président, Assimi Goïta, s’efforce, de son côté, de mettre en œuvre la feuille de route et les résolutions adoptées lors du dernier sommet de la Cedeao consacré à la crise malienne, qui s’est tenu à Accra à la fin de mai. Un Premier ministre a été nommé et un gouvernement formé, conformément à ces orientations.

Quelle évaluation faites-vous du risque jihadiste, pour votre pays et pour vos voisins du Golfe de Guinée? 

L’essor du jihadisme est un phénomène inhérent à la période dans laquelle nous vivons. Au même titre que les autres pays de la sous-région, la Guinée-Bissau n’est pas à l’abri de ce fléau. Cette progression peut signifier, pour le Sénégal comme pour nous, que l’islamisme radical se rapproche de nos territoires.

Face à ces nouvelles menaces, les États de l’Afrique de l’Ouest, comme ceux de l’Afrique centrale et du Golfe de Guinée, doivent créer des mécanismes de solidarité politique et d’échange d’informations en matière de sécurité.

J’appartiens à “génération du concret” : paiement des salaires, bitumage de rues… »

Nous sommes plus que jamais conscients du fait que certains groupes, tels qu’Al-Qaïda au Maghreb Islamique (Aqmi), peuvent profiter d’une instabilité en Guinée-Bissau pour s’implanter chez nous et mettre à exécution leur projet.

C’est pourquoi je m’efforce d’améliorer les moyens de nos forces de défense et de sécurité, afin que notre pays soit en mesure de répondre aux sollicitations de la Cedeao et de nos partenaires.

Vous vous réclamez de « l’embaloïsme ». Que recouvre cette doctrine, qui oriente votre politique ?  

« L’embaloïsme » n’est ni une stratégie ni une doctrine. C’est une nouvelle manière d’être et de faire de la politique. Depuis ma prise de fonctions, je n’ai cessé de défendre l’idée selon laquelle il faut assurer la stabilité du pays pour mettre fin à la corruption.

Nous sommes sortis d’une période d’instabilité chronique, et avons gagné en crédibilité sur le plan régional comme sur le plan international. J’appartiens à ce que j’appelle la « génération du concret ». Nos résultats, aujourd’hui probants, se traduisent par le paiement régulier des salaires, le bitumage de rues et d’avenues…

L’un de mes combats consiste à instaurer une bonne gouvernance en luttant contre la corruption, le narcotrafic et le banditisme. Si cela signifie « faire de l’embaloïsme », je l’assume sans complexe. Car, non seulement les acquis sont réels, mais ils ouvrent  d’importantes perspectives de développement à la Guinée-Bissau.

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