Chávez défie Bush

Fort de ses nouvelles alliances, le Venezuela vise le poste de membre non permanent. Au grand dam de l’Amérique.

Publié le 9 octobre 2006 Lecture : 3 minutes.

Au Conseil de sécurité de l’ONU, sur les dix sièges qui sont occupés en alternance, cinq seront renouvelés les 16 et 18 octobre. L’un d’eux, celui qui était échu depuis deux ans à l’Argentine, doit revenir à un autre pays d’Amérique latine. Bien qu’il appartienne à l’Assemblée générale des Nations unies de désigner par un vote les nouveaux membres du Conseil, le candidat est généralement sélectionné à l’avance sur la base d’un consensus entre les pays de la région. Mais cette fois, il n’y aura pas de consensus. Impossible, en effet, de concilier la ferme volonté affichée par le président vénézuélien Hugo Chávez d’obtenir le poste et celle, tout aussi résolue, de George W. Bush d’empêcher le « fils spirituel » de Fidel Castro d’y accéder.
S’immisçant ouvertement dans les affaires latino-américaines, Washington a donc poussé un autre candidat, le Guatemala, dont le passé récent en matière de droits de l’homme est catastrophique. Les derniers rapports de la Mission des Nations unies au Guatemala (Minugua) regrettent que les améliorations enregistrées à la suite de la signature, en 1996, des accords de paix avec la guérilla révolutionnaire soient éclipsées par « l’insécurité, la corruption, l’impunité, l’ingérence de l’armée, l’ambiance d’intimidation, la détérioration des droits humains et la discrimination des indigènes ». Il est vrai qu’Oscar Berger, le président guatémaltèque, n’est en fonctions que depuis 2004 et qu’il peut encore faire valoir ses bonnes intentions.
Reste qu’il n’a rien fait à ce jour pour traduire en justice les responsables du génocide perpétré contre la population indienne au cours des dernières décennies. Soutenu par les milieux industriels et l’oligarchie terrienne, Berger présente l’avantage de maintenir le Guatemala dans le dernier carré des pays demeurés fidèles à la politique ultralibérale de Washington et qui ont approuvé l’invasion de l’Irak. Il a donc l’appui des gouvernements de droite de la région, du Mexique, de la Colombie, et de ceux de cinq pays d’Amérique centrale. Mais il faudra sans doute beaucoup plus pour mettre en échec la lourde machine à nouer des alliances qu’a mise en place depuis plusieurs années Hugo Chávez autour de sa diplomatie pétrolière.
Outre le soutien logique des pays du Marché commun du Sud (Brésil, Uruguay, Paraguay, Argentine), dont le Venezuela fait partie, le président bolivarien peut également compter sur la quasi-totalité des quatorze pays membres de la Communauté des États de la Caraïbe (Caricom), où il s’est fait de nombreux amis en créant la société Petrocaribe, qui leur vend du pétrole à prix discount.
Dans les autres régions du monde, Chávez affirme qu’il « peut tabler sur les voix de la Chine, de la Malaisie, de la Syrie, de l’Iran, de la Russie, de la majorité des pays de l’Union africaine, de ceux de la Ligue arabe, et de beaucoup d’autres pays qui ne le disent pas » À la mi-septembre, à La Havane, en marge du Sommet des pays non-alignés, où Chávez a pu faire le plein des voix du Sud, le vice-ministre vénézuélien des Affaires étrangères, Jorge Valero, a même déclaré : « Nous pouvons déjà assurer au monde que le Venezuela aura un poste au Conseil de sécurité comme membre non permanent. »
En regard des tonitruantes déclarations de Chávez, qui qualifie volontiers George W. Bush de « malade mental », « Diable en personne » et de « danger planétaire », la diplomatie guatémaltèque fait pâle figure. Ce qui n’a pas empêché Oscar Berger d’annoncer à son tour, le 21 septembre, sur la chaîne de télévision BBC World, qu’après avoir envoyé des émissaires dans une soixantaine de capitales, 110 voix lui étaient acquises sur les 128 voix requises pour l’emporter.
Mais 110, ce n’est pas 128, et la pêche aux indécis s’annonce difficile. Les fortes pressions exercées par Washington pour soutenir « son » candidat commencent à montrer leurs limites, et risquent de se révéler contre-productives. C’est ce que laisse entendre Gert Rosenthal, l’ambassadeur du Guatemala auprès de l’ONU, quand il confie à un journaliste de son pays : « J’admets que les États-Unis ont été trop énergiques dans leur opposition au Venezuela, et que nous serions plus à l’aise s’ils ne soutenaient pas autant notre cause. »
Ces regrets tardifs ne changent rien à l’affaire, car chacun sait que la rivalité entre le Venezuela et le Guatemala n’est qu’une des multiples variantes de la guerre entre Bush et Chávez. Washington a déjà marqué un point important en faisant élire le Sud-Coréen Ban Ki-moon au secrétariat général. Réussira-t-il à écarter le trublion Chávez ?

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