Centrafrique : la contagion du Darfour

Publié le 9 octobre 2006 Lecture : 2 minutes.

Quand j’ai proposé à la lauréate d’un concours universitaire de m’accompagner en Centrafrique, mon but n’était pas de mettre sa vie en danger. Je voulais seulement que Casey Parks réalise combien il est urgent de stopper le génocide au Darfour, sans quoi il risque de contaminer toute l’Afrique. Le mal, qui a déjà gagné le Tchad, commence à toucher la République centrafricaine.
Des miliciens tchadiens, armés par Khartoum, ont envahi le nord-est de leur pays. Ils y vivent et y recrutent des éléments au sein de la population locale. Dans un mois, à la saison sèche, ces hommes aideront probablement d’autres, soudanais ceux-là, à renverser le régime de N’Djamena. Et pourquoi pas celui de Bangui. Désormais, le nord de la Centrafrique est une zone de guerre avec son lot de bandes armées rivales (dont des factions progouvernementales), de villages brûlés, d’enfants kidnappés, de voleurs et d’assassins impunis.

Les autorités centrafricaines avaient déjà fort à faire avec leurs propres problèmes internes. Mais l’incursion soudanaise et les armes légères qui arrivent du Darfour ont achevé de plonger la région dans le chaos. Près de 100 000 villageois ont fui leurs maisons, tandis que les Nations unies s’alarment de la crise, « la plus négligée de la planète ».
Casey et moi avons voyagé dans un convoi de cinq véhicules onusiens, comprenant deux pick-up chargés de soldats en armes. Leur présence rendant le dialogue avec les villageois difficile, nous abandonnons notre escorte à deux reprises. Après une escale à Bottolna, village désolé, désert, un certain Dominique Dondjoube sort de sa cachette en rampant et nous apprend que les villageois se sont réfugiés dans les bois, où l’eau insalubre, la malaria et la malnutrition les tuent peu à peu.

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Nous nous engageons ensuite dans une route isolée, truffée de nids de poule qui nous force à rouler au pas. Soudain, nous tombons nez à nez avec deux hommes surgis du bas-côté, fusils à la main. Ils nous demandent de nous arrêter. Les brigands nous laissent finalement partir. Mais puisqu’il n’y a que ce chemin, nous l’empruntons au retour. Et rebelote : les mêmes coupeurs de route nous arrêtent.
Ce type de violence est particulièrement contagieux. La situation au Tchad et en Centrafrique risque de virer à l’anarchie, comme en Somalie. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, le chef de l’État François Bozizé a fait une suggestion pertinente : pourquoi ne pas envoyer à Bangui et à N’Djamena les soldats de l’ONU dont le Soudan ne veut pas chez lui ? Quand le président centrafricain s’est rendu à l’Assemblée générale de l’ONU, en septembre, l’administration Bush n’a envoyé pour le rencontrer qu’un assistant adjoint au secrétaire d’État. Les États-Unis voudraient indiquer qu’ils ne sont pas engagés dans les répercussions régionales de la crise au Darfour et qu’ils se contrefichent de ce que le Soudan peut faire en RCA qu’ils ne s’y prendraient pas autrement.

Si le président Bush se souciait vraiment du génocide, sa priorité serait d’arrêter le cancer du Darfour, ce qui implique de travailler avec la France (qui a des troupes à N’Djamena et à Bangui) pour panser les plaies. Et d’envoyer une mission de maintien de la paix dans les deux pays. Tout de suite, maintenant.

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