Ben Azri
Plasticien français
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Certes, son père a débarqué en France au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, à l’âge de 17 ans, laissant derrière lui sa Kabylie natale pour exercer le dur métier d’ouvrier. Certes, il a grandi au sein d’une famille de huit enfants, tous nés en banlieue parisienne. Mais il refuse de coller aux stéréotypes de l’immigré maghrébin. Et pour cause ! La vie, la vocation et ?le parcours de Ben Azri, 40 ans, en font avant tout un citoyen ?du monde. Rien, a priori, ?ne prédestinait ce peintre et créateur de bijoux berbères, passionné et anticonformiste, à se vouer à l’art sous ses diverses formes.
Diplômé en gestion et en comptabilité-finance, il entame sa carrière professionnelle comme comptable. Mais, déjà, s’entrebâille une porte sur l’univers de la mode : il travaille pour les enseignes Minelli, Orcade, puis chez le fabricant textile Kookaï. À l’âge de 30 ans, il est promu credit manager chez ce dernier, en charge de l’ouverture des franchises à l’étranger. Il restera huit ans à ce poste, en même temps que se fait plus pressant son désir d’ailleurs. « J’avais soif de parcourir le monde. Chaque fois que j’avais des vacances, je prenais un vol sec à destination de l’Afrique, confie-t-il. J’ai effectué mon premier voyage d’exploration au début des années 1990. » C’est ainsi qu’il est allé à la rencontre des Touaregs en Mauritanie, des Massaïs en Tanzanie, des pêcheurs à la lance de Madagascar. Plus tard, il étendra son horizon chez les Amérindiens.
Si son inspiration se nourrissait de tous ces voyages, il s’en trouvait cependant perturbé à son retour dans l’univers professionnel parisien. « Je ne supportais plus la hiérarchie, avoue-t-il, j’avais besoin de couper le cordon avec la société. » Il finit par abandonner son emploi, renonçant à un salaire plus que confortable, pour vivre, enfin, en homme libre. Prédestiné par ses origines berbères, donc, puisque amazigh signifie précisément « homme libre ».
Le temps passe, puis, un jour, pris d’une irrépressible pulsion, « presque en transe », il fonce acheter des pinceaux et des gouaches et dessine sa première toile. Le cheminement artistique se poursuit, la peinture trouvant son prolongement dans le bijou. Il crée des objets en argent massif inspirés des caractères du plus ancien alphabet, créé avant le phénicien et le gréco-latin, découvert sur les gravures rupestres et appelé tifinagh en berbère (une langue parlée et écrite en voie de disparition). « Dans l’Antiquité, le bijou n’avait pas seulement une finalité esthétique, il était avant tout porteur d’un message », explique Ben. Chaque lettre se décline en pendentif, bague, fibule, boutons de manchettes, boucles d’oreilles, etc.
Il a ouvert sa galerie, il y a un an, dans le très « bobo » (bourgeois-bohême) quartier de la Bastille, où il expose ses toiles, vend ses bijoux et prodigue ses conseils de décorateur d’intérieur. Son style atypique et son crâne surmonté en permanence d’un chèche lui valent d’être surnommé par les habitants du quartier « Lawrence d’Arabie » ou « Aladin ».
Ses créations étaient exposées au Viaduc des arts lors de la semaine culturelle marocaine qui s’y est déroulée du 12 au 17 septembre et à l’occasion de laquelle il a aussi donné une conférence sur l’histoire des écritures. Il ne manque pas de révéler aux profanes que les écritures berbères datent d’environ 2 000 ans avant J.-C.
Cette conférence sera suivie d’une autre, en octobre, à l’Institut du monde arabe (IMA), où l’on peut admirer depuis le 8 août ses bijoux de la collection Tifinagh présentés dans la Médina de l’IMA. Le 30 septembre, ses créations ont sublimé les mannequins au défilé de la manifestation « Paris, capitale de la mode », avant d’être exposées au Carrousel du Louvre, du 6 au 10 décembre, à l’occasion du Salon des métiers d’art et de la création.
Galerie Ben-Azri : 24, rue Charles-Baudelaire, 75012 Paris. Infos : www.benazri.com
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