Wilton Mkwayi

L’ancien compagnon de lutte de Mandela est mort le 23 juillet.

Publié le 10 août 2004 Lecture : 3 minutes.

Nelson Mandela sera-t-il le dernier survivant des prisonniers politiques de Robben Island ? Année après année, les compagnons de lutte du premier président de l’Afrique du Sud arc-en-ciel disparaissent, emportés par la vieillesse, la fatigue et les maladies. Après Oliver Tambo en 1993, Govan Mbeki en 2001, Walter Sisulu en 2003, c’est Wilton Mkwayi qui vient de clore le dernier chapitre d’une vie remplie de douleurs et d’espoirs. Atteint d’un cancer, le syndicaliste s’était retiré de la vie publique en 1997 en démissionnant du comité national exécutif du Congrès national africain (ANC). Il avait 81 ans quand il est mort le 23 juillet à King William’s Town, à quelques kilomètres de son village natal.

Né en 1923 dans une famille pauvre du Cap oriental, à Ezihlahleni, Wilton Mkwayi se lance tôt dans la politique. En 1940, alors qu’il n’a que 17 ans, son père l’inscrit à l’ANC. Devant le tribunal qui l’enverra en prison à vie, en 1965, il explique la raison de ce choix : « La terre sur laquelle nous vivions avait été confisquée par le gouvernement, et nous avons dû déménager et refaire notre vie ailleurs. » Sans formation, paysan d’abord, il trouve du travail dans une usine d’explosifs au Cap.
Dans les années 1950, il s’engage dans le mouvement syndical de la région industrielle de Port Elizabeth. « Je suis devenu ce que les Blancs appelaient un agitateur », admettra-t-il en 1965. Trésorier du South African Congress of Trade Unions, il est de tous les combats et, tout en essayant d’améliorer les conditions de vie et de travail des ouvriers noirs, il se rapproche du mouvement anti-apartheid. Son premier acte politique, en 1947, consiste à boycotter les bus pour Noirs. En 1952, il participe activement à la campagne de défiance, puis, en 1953, devient responsable de l’ANC pour la région du Cap oriental. Mkwayi est sur le banc des accusés lors du Treason Trial en 1956.
Après le massacre de Sharpville en 1960, le régime blanc déclare l’état d’urgence, et Mkwayi se voit contraint de quitter l’Afrique du Sud. À l’étranger, il contribue à créer Umkhonto weSizwe, la branche armée de l’ANC. Plus tard, en 1965, il s’en explique devant ses juges : « On nous suggère d’adopter des méthodes non violentes pour régler nos différends avec les Blancs. Je tiens à préciser que, pendant des années, j’ai essayé d’arriver à nos fins pacifiquement. Mais, en 1961, il était devenu très clair que les actes de non-violence nous étaient interdits. »

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Il part donc en Chine populaire à la tête d’un petit groupe de volontaires pour s’entraîner au maniement des armes, mais revient rapidement dans son pays. Le jour de l’arrestation de Nelson Mandela à Rivonia, il est présent dans la ferme qui sert de quartier général à la direction de l’ANC, mais parvient à s’échapper. Pour peu de temps. Un an plus tard, il est arrêté, jugé et condamné à la prison à vie en janvier 1965. Il partagera la vie de Nelson Mandela dans la prison de haute sécurité à Robben Island jusqu’à sa libération en 1989. En 1991, il est élu au comité national exécutif de l’ANC, puis député au Parlement du Cap oriental en 1994. En 1992, toujours aux côtés de Mandela, Sisulu et Tambo, il reçoit l’Isithwalandwe, la plus haute décoration de l’ANC.

Souvent dans l’ombre, modeste travailleur, « dévoué à la vie des gens ordinaires », comme l’a rappelé Madiba lors des funérailles de son ancien compagnon, le 31 juillet, il a été salué par tous comme un des grands hommes de la lutte contre l’apartheid. Et l’Afrique du Sud se souviendra longtemps de son histoire d’amour avec Irène, sa première femme, symbole même des sacrifices qu’ont accomplis ses héros. En revenant au pays au début des années 1960, il est blessé par un malfrat de Soweto. Des amis l’emmènent chez Irène, une jeune infirmière, qui le soigne, et dont il tombe amoureux. Elle partage ses idéaux de justice et de lutte. Mais, quelques mois après leur rencontre, il est arrêté. Pendant vingt-deux ans, elle lui rendra visite chaque année, et ils demanderont l’autorisation de se marier. Elle ne leur sera accordée qu’en 1987. En 1989, Mkwayi est libéré par le président Frederik de Klerk. Trop tard. Irène est morte un an plus tôt, sans qu’ils aient jamais eu l’occasion de vivre ensemble.
« L’Histoire se souviendra de ceux qui se sont battus dans l’ombre, aussi petits mais aussi nombreux que les grains de sable qui forment nos plages magnifiques », chantera plus tard la musicienne Jennifer Ferguson, inspirée par la vie d’Irène et Wilton Mkwayi.

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