Un otage sauvé par Allah
Enlevé par des activistes, le numéro trois de l’ambassade d’Égypte doit sa libération à sa très grande piété. Et aux remords de ses ravisseurs.
Ce n’est pas la première fois que les « Lions d’Allah » obligent Mamdouh Qotb, 49 ans, à se bander les yeux et à s’engouffrer dans un véhicule sans l’informer de sa destination finale. À cette différence près qu’en ce lundi 26 juillet le diplomate égyptien, enlevé par les militants irakiens cinq jours auparavant, roule vers sa liberté.
Il a suffi d’un reportage télévisé pour que l’existence du numéro trois de l’ambassade d’Égypte en Irak bascule. Car sans le témoignage de cette petite Irakienne confiant d’une voix fluette, sur la chaîne d’information qatarie Al-Jazira, que « son professeur » lui manquait, nul doute que Qotb croupirait encore au fin fond d’une banlieue de Bagdad. À l’instar des dizaines d’étrangers enlevés par des activistes irakiens ces dernières semaines. Il faut dire que le « commerce » du kidnapping fait recette : les ravisseurs sont assurés d’un écho médiatique quasi immédiat et, partant, de résultats rapides. À preuve, ce routier philippin enlevé puis libéré après que son gouvernement s’est engagé à retirer ses cinquante et un soldats du sol irakien.
Dans le cas de Mamdouh Qotb, les « Lions d’Allah » n’ont pas eu le temps d’obtenir leur rançon. Ils ont vite été pris de remords. Qotb se souvient des commentaires de ses geôliers après le reportage télévisé montrant que le diplomate était un bon musulman, toujours prêt à aider son prochain. Il enseignait même le Coran aux enfants du quartier… De quoi émouvoir ses ravisseurs, touchés par « les qualités morales » de leur otage. Selon Qotb, « ils se sont excusés, comme s’ils se sentaient véritablement coupables d’avoir mal agi. Ce sont des êtres humains. En tant que tel, ils ont un bon fond. Ce sont leurs idées qui sont contestables. »
C’est au sortir d’une mosquée où il avait l’habitude d’aller prier que l’Égyptien a été kidnappé. Il faisait presque nuit. Et Qotb était trop absorbé par ses pensées pour remarquer le véhicule garé non loin de là, avec quatre hommes à son bord. Pris par surprise, il n’a pas eu le temps de réagir quand ces mêmes hommes se sont dirigés vers lui et l’ont empoigné. Qotb s’est tout de même débattu. L’un de ses ravisseurs l’accusera même de lui avoir « cassé un doigt », ce que le diplomate dément, arguant qu’il est incapable de faire du mal à une mouche… Puis il a reçu un coup violent à la tête. Suffisamment assommant pour perdre ses forces et se laisser emmener dans le véhicule. À aucun moment il n’a pu distinguer les visages de ses agresseurs ; aussitôt fait prisonnier, on lui avait bandé les yeux. Le convoi a roulé pendant une heure avant de marquer un premier arrêt. Puis Qotb a été conduit dans un autre lieu, sans doute en dehors de la capitale irakienne.
Visiblement, les ravisseurs, qui prétendent appartenir aux « Lions du bataillon d’Allah », n’en sont pas à leur première prise d’otage. « Ce sont des professionnels », a déclaré Mamdouh Qotb. En revanche, ce dernier est bien le premier diplomate à être kidnappé. Jusqu’alors, les activistes irakiens avaient pris pour cibles des employés d’entreprises « ennemies » de l’Irak ou des militaires. Et rares étaient ceux qui en réchappaient.
Pourquoi s’être attaqué à un diplomate ? Sans doute parce que les Lions d’Allah espéraient ainsi bénéficier d’un battage médiatique encore plus fort. Et peser sur la politique égyptienne qu’ils jugent inféodée aux États-Unis. Qotb se souvient tout particulièrement de la colère du chef de ses ravisseurs, appelé « Prince » par ses acolytes. « Il ne cessait de répéter que l’Égypte était une marionnette. Il était surtout enragé à l’idée que notre pays envisage d’envoyer des troupes en Irak », rapporte le diplomate.
C’est donc bel et bien le reportage diffusé sur la chaîne qatarie qui a fait changer d’avis les « Lions », et non pas les arguments de Qotb. Peu de temps après, ses ravisseurs envoient une cassette vidéo aux bureaux d’Al-Jazira montrant l’un des « Lions d’Allah » donner l’accolade au diplomate égyptien. Il y est fait état d’une libération imminente et du refus du groupe d’accepter quelque somme d’argent que ce soit en contrepartie de cette libération. Juste avant la tombée de la nuit, le lundi 26 juillet, les Lions d’Allah contraignent l’Égyptien à se prêter une dernière fois au « jeu de colin-maillard ». Le convoi roule pendant près de deux heures avant de s’arrêter dans le centre de Bagdad. Seul l’Égyptien descend du véhicule. Mais avant de redémarrer, l’un de ses ravisseurs lui offre un couteau, un chapelet et un bandeau. « En guise de souvenirs », lance-t-il au diplomate, perplexe.
Ses collègues de l’ambassade viennent aussitôt le chercher. Deux jours plus tard, après avoir raconté sa mémorable aventure, Mamdouh Qotb s’envole pour l’Égypte, où vit sa famille. À la question de savoir s’il réintégrera son poste en Irak, il répond que cette décision appartient à son gouvernement.
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