Darfour

Publié le 10 août 2004 Lecture : 3 minutes.

Lundi 2 août. Un avion Antonov frappé du sigle UN des Nations unies largue sur la ville de Fur Buranga, dans le Darfour-Ouest, des sacs blancs pleins de maïs, de soja et de légumes secs. C’est le début d’une opération lancée par le Programme alimentaire mondial (PAM) de l’ONU. Mais à quelques exceptions (dont celle de la France qui opère au Tchad), les pays développés sont plus enclins à s’émouvoir devant les images de détresse qu’à mettre la main à la poche. « À ce jour, déclare Ramiro Lopes da Silva, chef des opérations, le PAM a reçu 78,5 millions de dollars sur les 195 millions requis pour son opération au Darfour en 2004. »
Avec un peu plus de générosité, la résolution adoptée le 30 juillet par le Conseil de sécurité de l’ONU pourrait éviter une crise humanitaire dans cette région de l’ouest du Soudan et y favoriser une solution politique. Le texte de l’ONU n’a d’ailleurs fait que reprendre les mesures adoptées le 27 juillet à Addis-Abeba par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (UA). Début août, Khartoum a déployé quelque 5 000 policiers pour accroître ses forces de sécurité, et a annoncé pour la mi-août le désarmement des milices Djandjawids. À la demande du président Nigérian Obasanjo, le nombre de ces policiers sera porté à 12 000. Le cessez-le-feu (décidé à N’Djamena le 8 avril 2004) doit être observé entre les forces gouvernementales et les rebelles du Mouvement pour la justice et l’égalité (MJE) et le Mouvement/Armée pour la libération du Soudan (SLM/A) qui seront cantonnés dans des sites.
Pour un règlement durable, le Conseil de sécurité et l’UA exigent que les rebelles, qui ont refusé de rejoindre les représentants de Khartoum à une réunion organisée par l’UA à Addis-Abeba le 15 juillet, reviennent à la table des négociations. Obasanjo, en sa qualité de président en exercice de l’UA, et Hamid Algabid, le médiateur en chef de l’UA, sont en train de s’activer pour qu’une telle rencontre, prévue prochainement en Libye, puisse avoir lieu.
Autant les chances d’une solution à la crise humanitaire et politique du Darfour sont grandes, autant les soupçons pèsent sur les véritables intentions des États-Unis dans la région. Ces soupçons sont renforcés par le fait qu’à l’instigation des États-Unis la résolution du Conseil de sécurité a aussi mis en place des mécanismes qui ne sont pas sans rappeler les préparatifs d’invasion de l’Irak en 2003. Comment expliquer autrement que Washington ait insisté pour que le Soudan ne dispose que d’un délai de trente jours pour désarmer les Djandjawids alors qu’un accord conclu le 4 juillet avec Kofi Annan prévoyait soixante jours ?
Comment expliquer autrement le fait que la résolution ait été prise, comme dans le cas de l’Irak, en vertu du chapitre VII de la Charte des nations unies, qui légitime une éventuelle intervention militaire ? Comment expliquer le fait que le MJE ait conclu (le 15 juillet) avec le Mouvement des lions libres, des rebelles soudanais basés en Érythrée, un accord pour « renverser » le gouvernement de Khartoum et ouvrir un nouveau front dans l’est du Soudan, ce qui a soulevé le courroux de l’armée soudanaise ?
Certains analystes arabes mais aussi occidentaux estiment que l’administration américaine est en fait tentée de régler ses comptes au Soudan, qui se trouvait sur sa liste d’États « voyous » bien avant les événements du 11 septembre 2001. D’autres pensent que des indices de présence de pétrole dans le Darfour inciteraient Washington à se faire une zone d’influence dans la région. Que ces intentions soient réelles ou non, le Darfour est désormais présent dans la campagne pour l’élection présidentielle américaine du 2 novembre. Reste à savoir si l’objectif déclaré d’éviter une crise humanitaire majeure au Soudan peut se faire sans la participation du Soudan et contre lui.

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