#BlackTikTokStrike : quand les danseurs noirs boycottent TikTok
Les danseurs noirs ont décidé de boycotter TikTok. En cause, une invisibilité et une non-reconnaissance de leurs créations sur le réseau social.
Jalaiah Harmon, 14 ans à l’époque, est à l’origine de l’une des danses les plus virales d’Internet, postée en septembre 2019. Mais pendant longtemps, personne ne l’a su. La jeune danseuse africaine-américaine, originaire d’Atlanta, crée une chorégraphie sur « Lottery », un morceau du rappeur K-Camp, et la partage à ses quelque 20 000 fans sur Instagram. En quelques minutes, elle récolte pas moins de 13 000 vues. Le succès est tel que les internautes s’empressent de reprendre à la lettre ses « waves » et autres « woah », des mouvements hip-hop, et de publier leurs clips sur TikTok.
https://www.instagram.com/p/B8pKZeXD0Y4/
« J’étais contente quand j’ai vu ma vidéo postée partout sur Internet, a-t-elle confié au New York Times, mais je voulais être créditée ». Le cas de Jalaiah n’est pas isolé. Les chorégraphies imaginées par des danseurs noirs sont souvent à l’origine des plus grands buzz de la plateforme de partage de vidéos, connue pour ses challenges de danse et autres chorégraphies plus ou moins créatives visionnées des milliers voire des millions de fois – des chiffres records qui représentent bien souvent une manne financière pour les créateurs. Mais elles sont reprises sans mention des auteurs d’origine par des utilisateurs majoritairement blancs, lesquels sont par conséquent plus médiatisés et mieux rémunérés.
Invisibilisation
Face à ce manque de reconnaissance et de visibilité, le hashtag #BlackTikTokStrike (le TikTok noir en grève), a vu le jour le 19 juin 2021 et n’a pas manqué de devenir viral, avec plus de 6,5 millions de vues. Impulsé par le danseur professionnel de 21 ans Erick Louis (plus de 337 000 followers), le mouvement met l’accent sur le phénomène d’appropriation des créations. Et encourage la communauté afro à ne plus diffuser de vidéos de danse, passant ainsi volontairement à côté des nouvelles tendances musicales à fort potentiel d’audience, comme le titre « Thot Shit » signé de la rappeuse africaine-américaine Megan Thee Stallion. Objectif : montrer que « cette plateforme ne serait rien sans les Noirs », a ainsi accusé l’initiateur de la grève dans une vidéo publiée sur son compte TikTok.
https://www.tiktok.com/@theericklouis/video/6975379403282943237?sender_device=pc&sender_web_id=6995184273201513989&is_from_webapp=v1&is_copy_url=0
« Nous nous soucions profondément de l’expérience des créateurs noirs sur notre plateforme et nous continuons à travailler chaque jour pour créer un environnement de soutien pour notre communauté, tout en instillant une culture où honorer et créditer les créateurs pour leurs contributions créatives est la norme », s’est justifiée la plateforme dans un communiqué de presse.
Mais le phénomène de cancel culture de la communauté noire n’est pas nouveau et a d’ailleurs dépassé les frontières du divertissement. Au moment de la mort de l’Africain-Américain George Floyd, tué par un policier blanc en mai 2020, de nombreux utilisateurs africains-américains ont souhaité manifester leur soutien au mouvement Black Lives Matter en inscrivant dans leur « bio » TikTok les termes « Black, Black Lives Matter, Black support ». Un contenu jugé « inapproprié » et aussitôt supprimé par l’algorithme de l’application.
Les vidéos légendées du hashtag #GeorgeFloyd et #BlackLivesMatter postées dans la foulée ont elles aussi été rendues invisibles, ne récoltant aucune vue. Un problème technique qui aurait affecté d’autres hashtags, selon l’entreprise. En réalité, ces publications auraient été visionnées des milliards de fois. Cette boulette a poussé TikTok à s’engager à faire un don de trois millions de dollars à des organisations caritatives œuvrant pour la communauté noire pendant la pandémie de Covid19, et d’un million de dollars supplémentaire pour lutter contre l’injustice raciale et les inégalités aux États-Unis.
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