Cameroun-Rebecca Enonchong : les détails de l’arrestation de l’entrepreneuse de la tech

La dirigeante de la société AppsTech, figure de la scène tech en Afrique francophone et dans la diaspora, a été placée en garde à vue du 10 au 13 août.

La Camerounaise Rebecca Enonchong. © Patrick Nelle pour JA

La Camerounaise Rebecca Enonchong. © Patrick Nelle pour JA

QUENTIN-VELLUET_2024

Publié le 13 août 2021 Lecture : 4 minutes.

Mise à jour : en fin de journée le 13 août, autour de 16h36 GMT, l’entrepreneuse camerounaise a annoncé sa sortie de garde à vue ainsi que l’abandon de toutes les charges contre elle.

La mobilisation prend de l’ampleur sur les réseaux sociaux depuis quelques jours, sous la bannière #FreeRebecca. L’entrepreneuse et influenceuse camerounaise de la tech, Rebecca Enonchong, a été placée en garde à vue à Douala mardi en fin de journée, officiellement pour « outrage à magistrat » et le demeure depuis. Voici les détails de l’affaire.

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Conflit successoral

Connue pour son franc-parler et ses prises de position en faveur de la liberté d’expression, la dirigeante de la société AppsTech s’est initialement rendue de son propre fait lundi à la Cour d’appel du littoral à Douala, « afin de s’enquérir de l’avancement de deux enquêtes en cours auprès du procureur », a témoigné son frère et avocat, Sylvain Oum Enonchong, joint par Jeune Afrique le 12 août.

Au côté de son frère, Rebecca Enonchong est en conflit judiciaire contre un deuxième frère, Charles Abi Enonchong, dans le cadre d’une affaire de succession et de fraude impliquant la vente d’une propriété appartenant à leur défunt père, l’avocat Henry Ndifor Abi Enonchong, que Charles tenterait de vendre à un industriel camerounais. « Les deux dossiers étant similaires et concernant un seul sujet, elle a demandé à ce que les enquêtes puissent être jointes », indique l’avocat inscrit au barreau du Cameroun. Charles Abi Enonchong n’a pas pu être joint immédiatement par Jeune Afrique

Une « visite de courtoisie »

Dans la foulée de ce rendez-vous le même jour, l’entrepreneuse, également présidente du réseau d’incubateur Afrilabs, a été convoquée – sur ordre du procureur général – par le colonel Pierre Aimé Bikélé, commandant de la Légion de gendarmerie du Littoral à Douala.

Un assistant prenait des notes et Rebecca Enonchong a dû signer un carnet d’audition »

Ce qui devait n’être qu’une simple « visite de courtoisie » s’est vraisemblablement transformée en interrogatoire, selon Me Sylvain Oum Enonchong, qui a assisté à l’entretien. « Un assistant prenait des notes et Rebecca Enonchong a dû signer un carnet d’audition », précise celui qui réclame en vain une audience auprès du procureur général, Jean Foe, et du procureur de la République.

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Contacté par Jeune Afrique, le colonel Pierre Aimé Bikélé n’a pas donné suite à nos sollicitations. De son côté, le procureur général a refusé de répondre à nos questions, tout comme Samuel Dieudonné Ivaha Diboua, gouverneur de la région du Littoral qui déclare « ne pas se mêler des affaires judiciaires ».

C’est une violation criarde de la loi par celui chargé de la faire respecter »

Aucune plainte

Convoquée à nouveau mardi à la Légion de gendarmerie du Littoral, officiellement pour signer son procès-verbal d’audition, Rebecca Enonchong ne ressort pas libre cette fois-ci. « On lui indique à la fin de la discussion qu’elle est poursuivie pour outrage à magistrat, alors qu’aucune plainte n’existe et qu’on ne lui présente pas clairement les faits qui lui sont reprochés. C’est une violation criarde de la loi par celui chargé de la faire respecter », déplore le frère avocat à nouveau présent lors de l’échange.

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Rebecca Enonchong a passé trois nuits au sein de la Légion de gendarmerie et enchaîne sous bonne escorte les allers-retours entre son lieu de détention et le tribunal de première instance du Littoral. L’Américano-Camerounaise, défendue en outre par les avocats Éric Bayo, Charles Tchuente, Benson Ayuk Etah et Henri Etoungou, y était encore jeudi matin.

Une fois de plus le procureur général de la Cour d’appel du Littoral, Jean Foe, a violé la loi »

« La garde à vue de Madame Rebecca Enonchong a été prorogée [jeudi] de 24 heures par le procureur de la République près le tribunal de première instance de Douala Bonanjo. L’audition d’un témoin est le motif de cette prorogation. Une fois de plus le procureur général de la Cour d’appel du Littoral, Jean Foe, a violé la loi puisque le code de procédure pénale interdit de proroger la garde à vue sur l’unique raison d’audition de témoin », indique Sylvain Oum Enonchong.

Des soutiens en ligne et sur place

Bien visible en ligne, ses soutiens ont aussi été présents physiquement devant le tribunal. Parmi la dizaine de personnes ayant fait le déplacement mercredi, outre les membres de sa famille, figuraient plusieurs jeunes entrepreneurs que la cheffe d’entreprise soutient au quotidien. L’ex-candidate à l’élection présidentielle de 2011, Édith Kahbang Walla et Bergeline Domou, activiste engagée dans la lutte pour la protection des droits de l’Homme, étaient également présentes. 

Plusieurs organismes et associations africaines de la tech au sein desquelles Rebecca Enonchong siège au conseil d’administration ont eux aussi affiché leur soutien en ligne. L’Association africaine des business angels (ABAN) a publié un communiqué jeudi matin dans lequel elle se dit déçue « que le gouvernement du Cameroun se comporte de manière aussi autoritaire ». 

« Rebecca est sereine car elle n’a rien à se reprocher », estime Me Sylvain Oum Enonchong, avant tout de même de confier craindre pour sa sœur. « Outre les affaires de successions [qui ont déjà valu à la fratrie Enonchong quelques tentatives d’intimidation par le passé, Ndlr], elle est engagée dans plusieurs opérations de défense des droits de l’Homme et a récemment critiqué la gestion des fonds dédiés à lutte contre la pandémie de Covid-19, alloués au Cameroun par le FMI ».

Dans la foulée d’un rapport rendu début juin par la chambre des comptes de la Cour suprême du Cameroun, la cheffe d’entreprise a effectivement dénoncé publiquement des détournements de fonds, au côté de vingt militantes des droits de l’Homme. 

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