Nixon quitte la Maison Blanche

Publié le 10 août 2004 Lecture : 3 minutes.

« Bonsoir. C’est la trente-septième fois que je m’adresse à vous, depuis ce bureau où tant de décisions qui ont façonné l’histoire de notre nation ont été prises. À chaque fois, je l’ai fait pour m’entretenir avec vous de sujets qui, je le pensais, concernaient l’intérêt général. Je n’ai jamais été homme à abandonner facilement la partie. Mais, en tant que président, je me dois de considérer en priorité les intérêts de notre pays. Continuer à me battre pendant des mois ferait perdre au Congrès et au président une énergie et un temps précieux, qu’ils doivent plutôt consacrer à l’instauration de la paix à l’extérieur du pays et la prospérité sans inflation, à l’intérieur. C’est pourquoi je démissionne de la présidence, et cela sera effectif à partir de demain, à midi. Le vice-président Ford deviendra président à la même heure. »

Richard Nixon s’interrompt quelques secondes avant de continuer, en ce 8 août 1974, le dernier discours qu’il prononce devant le peuple américain. Moins de vingt-quatre heures plus tard, il quitte le Bureau ovale après l’avoir occupé pendant cinq ans et demi. À 61 ans, le républicain Nixon est le premier président des États-Unis à quitter la Maison Blanche avant la fin de son mandat. Il a perdu le combat mené depuis la nuit du 16 juin 1972.
Ce jour-là, alors que la campagne pour la présidentielle de la fin de l’année bat son plein, cinq hommes déguisés en plombiers s’introduisent dans le bâtiment du Watergate à Washington, où les démocrates ont installé leur quartier général. Munis de matériel électronique, ils tentent de poser des mouchards. Mais se font prendre en flagrant délit par le gardien de l’immeuble, qui avertit la police.
En octobre 1972, deux journalistes du Washington Post révèlent que le FBI enquête sur ce qu’on appelle déjà le « Watergate ». Une campagne de sabotage et d’espionnage des démocrates serait en cours, dirigée par l’équipe de Nixon. Malgré ces révélations, le président est réélu haut la main.
Mais dès le début de son second mandat, les choses se gâtent. « Les plombiers » sont jugés et condamnés en janvier 1973. James McCord, le chef de la bande, ancien agent de la CIA et responsable de la sécurité au Comité de réélection du président, finit par avouer que les accusés ont subi des pressions pour taire la vérité. En juillet 1973, un proche conseiller du président, Alexander Butterfield, reconnaît devant le Congrès que Nixon enregistre, depuis 1971, toutes les conversations et les coups de téléphone passés depuis le Bureau ovale. À trois reprises, le président refuse de donner la totalité des enregistrements à la commission du Sénat qui enquête sur le Watergate. Un an plus tard, la Cour suprême lui ordonne de le faire. Menacé d’impeachment par le Congrès, Nixon s’exécute. Sur l’un des enregistrements, celui du 23 juin 1972, on entend Nixon exige du FBI qu’il abandonne l’enquête sur l’effraction du Watergate. Non seulement il savait que ses hommes avaient tenté de s’introduire chez les démocrates, mais il a entravé l’enquête d’une organisation indépendante du gouvernement. Le Congrès pourra, sans difficultés, voter la démission du président.

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Le 6 août 1974, Nixon, que l’Histoire retiendra sous son surnom « Tricky Dick » (Dick le Retors), avait encore assuré à ses collaborateurs qu’il ne démissionnerait pas et laisserait la procédure d’impeachment suivre son cours. Politicien véreux, épris du pouvoir, adepte des manipulations, menteur et carriériste, l’homme se repent pourtant à la veille de sa retraite définitive : « Je regrette profondément toutes les blessures qui ont été infligées pendant les événements qui ont amené ma démission. […] Mais je tiens à ajouter que si certains de mes jugements ont été erronés – et ils l’ont été -, je n’ai pris mes décisions qu’en fonction de ce que je croyais, à l’époque, être dans l’intérêt de la nation. » Le lendemain, Nixon prend son petit déjeuner dans la salle Lincoln de la résidence présidentielle. OEufs pochés et corned-beef. À 9 h 30, il salue le personnel de la Maison Blanche. Une demi-heure plus tard, l’hélicoptère vient chercher Richard et Pat Nixon pour les emmener sur la base d’Air Force One. Avant de pénétrer dans l’appareil, le président se retourne et, un énorme sourire aux lèvres, fait le « V » de la victoire.

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