Mollets noirs et blancs mollets

Comment expliquer les bonnes performances des Subsahariens ? Un physiologiste danois bat en brèche quelques idées reçues.

Publié le 10 août 2004 Lecture : 3 minutes.

Personne n’en doute : du 13 au 29 août, les Africains récolteront une bonne moisson de médailles aux jeux Olympiques d’Athènes. D’autant plus sûrement qu’entre autres idées qui courent sur les capacités physiologiques des Noirs, il y a celle-ci : les hommes et les femmes originaires du sud du Sahara ont des aptitudes supérieures à celles des Blancs sur les pistes d’athlétisme. Avec de notables différences entre l’est et l’ouest du continent. De fait, Éthiopiens et Kényans dominent, aux jeux Olympiques comme lors des Championnats du monde, les épreuves du 10 000 et du 5 000 mètres. On citera Kenenisa Bekele et Haïlé Gebrésélassié pour les premiers, Saif Saeed Shaheen et Eliud Kipchoge pour les seconds. Tandis que les Africains de l’Ouest, comme le Ghanéen Aziz Zakari ou le Nigérian Uchenna Emedollu, excellent sur les sprints courts ou longs. Pas étonnant, dans ces conditions, que les chercheurs se soient penchés sur la question. Leurs réponses, évidemment incomplètes, mettent à mal un certain nombre d’idées reçues et esquissent quelques embryons de réponses.
Directeur du Copenhagen Muscle Research Centre, au Danemark, le physiologiste Bengt Saltin se démène pour démêler le vrai du faux. Depuis le début des années 1990, comme le rapporte le Financial Times, son équipe et lui étudient la physiologie et les capacités d’entraînement de jeunes coureurs kényans et danois. En dix ans, bien des hypothèses ont été battues en brèche. Ni la vie en altitude ni un régime particulier au Kenya ne suffisent à expliquer leur supériorité. D’autres on-dit ne fournissent pas non plus d’explications rationnelles. Les jeunes Africains se rendraient à l’école en courant pendant des kilomètres le long de routes de latérite creusée de nids-de-poule ? Billevesées, ils ne sont pas physiquement plus actifs que les Scandinaves. Les Kényans s’entraîneraient plus durement ? Faux ! Les chercheurs ont prouvé que les Danois poussaient davantage leurs limites à l’entraînement, atteignant des rythmes cardiaques plus élevés. Alors, comment expliquer une supériorité que l’on ne peut nier ?
Eh bien voilà : les Kényans résistent mieux à la fatigue. L’acide lactique, une substance générée par les muscles en mal d’oxygène, s’accumule plus lentement dans le sang des Africains. Les comparaisons de concentration en acide lactique effectuées par l’équipe du docteur Saltin ont montré que, par rapport aux Danois, les Kényans utilisent jusqu’à 10 % de plus l’oxygène contenu dans une inspiration. Cette aptitude s’ajoute à une physiologie particulière : les Kényans ont les mollets plus fins – ce qui donne, en moyenne, 400 grammes de moins pour chaque jambe. Or plus le poids est éloigné du centre de gravité, plus il faut d’énergie pour le soulever. Ainsi, 50 grammes de chair supplémentaires accroissent de 1 % la consommation d’oxygène. D’après les calculs de Saltin, l’énergie économisée par un Kényan sur une course de 1 kilomètre est de 8 %. Henrik Larsen, du centre de recherche danois, l’affirme posément : « Nous avons résolu le principal problème. Les Kényans sont plus efficaces parce qu’ils utilisent moins d’énergie pour bouger leurs membres. »
Ce n’est pas tout. Les coureurs kényans possèdent aussi dans leurs muscles une plus forte concentration d’une enzyme spécifique qui réduit la production d’acide lactique et permet de mieux l’éliminer. Cette enzyme serait-elle d’origine génétique ou secrétée à force d’entraînement ? Le mystère reste entier.
Aujourd’hui, les recherches s’orientent du côté de la génétique – sans pour autant ignorer totalement les études d’ordre anthropologique. Quant aux autres on-dit anatomiques, le monde entier attend encore une étude digne de ce nom.

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