Microfinance et non microcrédit
La solution que propose le professeur Jeffrey Sachs aux problèmes du continent africain dans son article « Comment sauver l’Afrique » (J.A.I. n° 2272) entraîne une prolongation de l’endettement et le renforcement de la dépendance du continent.
Le professeur établit une liste de besoins pour lesquels il faut chercher des financements. Une telle approche met totalement de côté la simple logique économique de E = I (épargne = investissements) et les conditions pour y parvenir.
Selon lui, les Africains sont si pauvres qu’ils ne peuvent même pas s’acheter de ceintures. C’est faux. Dans la plupart des régions africaines, les banques, les mutuelles d’épargne et de crédit et les systèmes financiers informels disposent d’excédents de liquidités. Ces liquidités sont malheureusement de courte durée, ce qui révèle plusieurs choses : 1) l’effondrement de la culture de l’épargne et l’ignorance de son importance essentielle pour un développement autonome et durable ; 2) le manque de confiance de la population dans les institutions financières « formelles » ; 3) le manque de solidarité entre les citoyens.
En Afrique subsaharienne, l’argent reste largement dans le secteur informel, pour les riches comme pour les pauvres. Mais cet argent existe, et même les plus pauvres sont obligés de sauvegarder et de bien gérer le peu d’argent dont ils disposent afin de survivre au jour le jour.
D’où l’intérêt de la « microfinance » qui n’a rien à voir avec le « microcrédit ». L’expérience des pays riches le prouve : les institutions financières locales, en étroite collaboration avec les gouvernements, ont su assurer à l’ensemble de la population, y compris les pauvres et les « ruraux », un accès aux services financiers professionnels (produits d’épargne, de transfert de paiement et de crédit). En revanche, le « microcrédit », financé par des bailleurs de fonds étrangers dont l’objectif est sociopolitique et non commercial, ne garantit pas la création d’emplois et de richesse structurelle. Le crédit étranger, quelle que soit sa forme (investissements, dons, prêts, participation au capital…), ne fait que renforcer la dépendance de l’Afrique et développer une culture de mendiants. L’objectif d’une banque étrangère, et c’est logique, est de rapatrier ses bénéfices dans son pays d’origine ; ce n’est pas de les réinvestir localement.
À l’inverse, l’expérience de la microfinance montre clairement que l’aide au renforcement de l’épargne à travers des structures financières locales est un outil autonome et durable pour le développement de l’Afrique.
Les Nations unies ont décidé de faire de l’année 2005, une « Année pour le microcrédit ». M. Sachs pourrait conseiller à Kofi Annan de la modifier en « Année pour la microfinance ».
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