Israël à l’UA, une occasion pour la cause palestinienne ?

L’État hébreu est désormais membre observateur de l’UA. Plutôt que de polémiquer, les pays africains doivent maintenir la pression sur Tel-Aviv afin de garantir le droit des Palestiniens à un État.

Graffiti célébrant les Éthiopiens juifs d’Israël à Netanya, en 2019 © JONAS OPPERSKALSKI/NYT/REDUX-REA

Graffiti célébrant les Éthiopiens juifs d’Israël à Netanya, en 2019 © JONAS OPPERSKALSKI/NYT/REDUX-REA

Mohamed Tozy
  • Mohamed Tozy

    Professeur à Sciences Po Aix-en-Provence, auteur de « Monarchie et islam politique au Maroc », « L’État d’injustice au Maghreb » et « Tisser le temps politique au Maroc » (co-écrit avec Béatrice Hibou).

Publié le 19 août 2021 Lecture : 3 minutes.

 « Israël investit l’Afrique et sème la discorde au sein de l’Union africaine »… Telle est, en substance, la teneur de tous les articles publiés sur les sites d’information maghrébins depuis l’accréditation, le 22 juillet, de l’État d’Israël comme membre observateur de l’Union africaine. Plusieurs pays membres de l’organisation, Afrique du Sud et Algérie en tête, ont émis des réserves, accusant le président de la Commission de l’UA d’outrepasser ses prérogatives. Au Maroc, l’octroi de ce statut hautement symbolique a aussi créé des remous, alors même que Rabat a accueilli au grand jour, le 11 août, le chef de la diplomatie israélienne, Yaïr Lapid, en visite officielle.  

Changements géopolitiques

On est là en présence d’un événement mineur, mais révélateur des grands changements géopolitiques au sein des communautés africaine et arabe. Il informe de la difficulté, dans le monde arabo-musulman, de continuer à considérer la question palestinienne comme sacrée. Elle est désormais bien plus une variable d’ajustement qu’une variable centrale.

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Et il faut peut-être rappeler quelques faits. Les relations entre Israël et les pays africains ne sont pas nouvelles. Dans les années 1960, l’État hébreu était plutôt bien vu par la plupart des pays nouvellement indépendants, dont des États musulmans d’Afrique de l’Ouest. Mais après la guerre des Six jours, le changement des rapports de force au sein de la communauté africaine a donné lieu à un alignement de la majorité des pays du continent sur les positions des pays arabes. La cause palestinienne a souvent été défendue, sans pour autant que les relations ne soient rompues avec Israël.

L’opposition menée par l’Algérie et l’Afrique du Sud peut difficilement conduire à une crise institutionnelle à l’UA

Tel-Aviv, de son côté, a fait du continent une priorité. Il a déployé des efforts considérables pour améliorer ses relations avec les pays africains, et a pu tisser des liens étroits avec certaines capitales sur la base d’une offre de service orientée vers la coopération dans de nombreux secteurs : la sécurité (avec le Kenya), l’agriculture (avec l’Éthiopie), et, surtout, les technologies de l’information, l’énergie, la construction et l’industrie du diamant. 

Rêve hystérique

L’opposition menée par l’Algérie et l’Afrique du Sud peut difficilement conduire à une crise institutionnelle à l’UA. Les deux pays sont dans leur rôle naturel. Issue en majorité de l’ANC, l’élite au pouvoir en Afrique du Sud ne peut pas tourner la page d’un Israël soutien de l’apartheid. Quant à l’Algérie, qui a d’ailleurs protesté modérément, sa perception des choses est largement déterminée par un sentiment d’encerclement lié à la normalisation des relations israélo-marocaines et à la présence d’un autre allié arabe de l’État hébreu (les Émirats arabes unis) en Mauritanie et en Libye.

Deux autres éléments sont à prendre en compte dans cette équation. D’abord, sur les 22 pays arabes, six entretiennent des relations officielles avec Israël : l’Égypte, la Jordanie, les Émirats, le Bahreïn, le Soudan et le Maroc. Ensuite, on peut émettre l’hypothèse que le clivage entre la rue arabe et les pouvoirs arabes s’est atténué. L’état de faiblesse des troupes qui militent contre la normalisation des relations avec Israël laisse penser que les régimes ont plus de marges. 

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Aujourd’hui, le véritable enjeu consiste à déterminer comment tirer avantage de cette nouvelle configuration, comment maintenir la pression sur Israël, membre observateur de l’UA, afin qu’il trouve une solution garantissant le droit des Palestiniens à un État. Israël ne peut pas jouer sur tous les tableaux : devenir un État normal et, en même temps, satisfaire le rêve hystérique d’un grand Israël, caressé par ses extrémistes, au prix d’une épuration ethnique fondée sur la poursuite de la colonisation et bafouant les droits les plus élémentaires des Palestiniens. 

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