Joseph Kony aux abois

L’armée a été autorisée à pourchasser sur le territoire soudanais les combattants du seigneur de guerre qui terrorise le pays depuis dix-huit ans.

Publié le 10 août 2004 Lecture : 2 minutes.

Il est 11 h 29, ce 4 août 2004, quand l’avion en provenance de Juba (sud du Soudan) se pose sur le tarmac de l’aéroport de Gulu (nord de l’Ouganda). Quelques minutes plus tard, escortées par des soldats ougandais, 77 personnes exténuées s’extraient de l’appareil, provoquant cris et pleurs dans la foule des Acholis qui les attend depuis quelques heures. Bébés, adolescents, jeunes adultes, femmes, tous reviennent d’un enfer qui a pour nom Armée de résistance du seigneur (ARS). Enlevés, enrôlés de force, fanatisés par les soldats de Joseph Kony, le rebelle mystique et sanguinaire qui, depuis dix-huit ans, cherche à renverser le pouvoir du président Yoweri Museveni pour instaurer un régime inspiré des Dix Commandements de Dieu.
Parmi les 77 « libérés », on compte quatre femmes – dont deux ont été formellement reconnues, Rose Aciro et Nighty Arach – et treize enfants du « seigneur » lui-même. Fortement médiatisée par l’armée ougandaise qui n’a pas manqué d’y convier nombre d’organisations nationales et internationales (Unicef, Care, Save the Children, Ocha, Caritas, etc.), cette opération de rapatriement survient une semaine après un assaut réussi contre le camp de Joseph Kony à Bileniang (sud du Soudan). Pour la première fois depuis deux décennies, l’attaque avait lieu en territoire soudanais, au nord de la ligne rouge symbolisée par la route qui relie Juba à Nisitu, et au-delà de laquelle les soldats ougandais ne pouvaient jusqu’alors intervenir. « Nous avons demandé au Soudan l’autorisation d’agir plus profondément sur leur territoire, puisqu’ils ne faisaient rien pour abattre ces assassins. Nous avons franchi la ligne rouge et attaqué le camp de Kony. C’était stratégiquement nécessaire », a déclaré à Kampala le major Shaban Bantariza, porte-parole de l’armée ougandaise. Résultat de l’attaque : 36 fusils d’assaut, des lance-roquettes, des grenades à main, des mines, un bazooka et du matériel radio saisis. Quant à l’ARS, ella a subi de lourdes pertes (120 morts, 28 prisonniers), en protégeant la fuite de son chef.
Libre d’agir, pour un temps, en territoire soudanais, l’armée ougandaise s’est engagée à « capturer ou tuer » Joseph Kony « dans les jours qui viennent ». Promesse de Gascon ? Il semblerait que Kampala soit enfin déterminé à mettre un terme à un conflit aux conséquences dramatiques. Près de deux millions de déplacés ; 40 000 enfants – les fameux night commuters – qui se réfugient chaque nuit dans les villes principales des districts de Gulu, Pader et Kitgum pour échapper aux enlèvement de l’ARS. Des viols qui ont fait grimper le taux de prévalence du sida aux environ des 17 % (contre 4,1 % sur l’ensemble du pays). Et, selon l’Unicef, près de 12 000 enfants kidnappés depuis juin 2002. Autant d’horreurs dont les responsables pourraient être appelés à répondre, puisque le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno-Ocampo, a annoncé, le 29 juillet, l’ouverture d’une enquête officielle dans les régions concernées… où les populations civiles ont bon espoir que le seigneur aura bientôt cessé de nuire.

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