Cheikh Oumar Diarrah

Secrétaire exécutif de la Commission mixte des Nations unies Cameroun-Nigeria

Publié le 10 août 2004 Lecture : 3 minutes.

Au Mali, lorsque l’on parle de Diarra « H », on sait immédiatement qu’il s’agit de Cheick Oumar Diarrah ou d’un membre de sa famille, car ils sont les seuls à avoir cette consonne muette à la fin de leur patronyme, par ailleurs très répandu. Ami de Jeune Afrique depuis de nombreuses années, Cheick Oumar, le politologue, a profité de quelques jours de congés, fin juillet, pour rendre visite à la rédaction. Il aime d’ailleurs beaucoup venir en France, où il a par deux fois résidé. D’abord dans sa jeunesse, lorsqu’il était étudiant en sciences politiques à Bordeaux. Puis, après un passage comme enseignant à l’université Marien-N’Gouabi de Brazzaville, à Paris, comme exilé politique. En 1991, à la chute du dictateur Moussa Traoré, il rentre au Mali où il occupe successivement les postes de chargé de mission à la présidence pour le problème touareg, directeur de cabinet au ministère de l’Éducation et, enfin, conseiller politique du Premier ministre Ibrahim Boubacar Keïta.

Ambassadeur à Washington pendant sept ans, une durée exceptionnelle, il retourne enfin chez lui en 2002. C’est alors que le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest, Ahmedou Ould Abdallah, lui parle de la toute jeune Commission mixte des Nations unies Cameroun-Nigeria, chargée de mettre en oeuvre l’arrêt de la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye concernant la presqu’île de Bakassi. Ce territoire, violemment disputé par les deux pays, est désormais attribué au Cameroun. Cheick Oumar Diarrah est nommé secrétaire exécutif de cette commission, qui comprend six membres permanents et plusieurs dizaines de fonctionnaires dans les sous-commissions, en mars 2003. « Les choses évoluent positivement, explique-t-il à propos de cette affaire difficile. Elle ne concerne d’ailleurs pas uniquement Bakassi, mais toute la frontière nigériano-camerounaise, du lac Tchad à la frontière maritime, soit 1 700 km. » Le partage du territoire est effectivement complexe. Qu’on en juge : la zone du lac Tchad était occupée par le Nigeria depuis 1987. Après l’étude des documents coloniaux, la Cour a estimé que le territoire appartenait en réalité au Cameroun et a enjoint au Nigeria d’évacuer sans condition. La péninsule de Bakassi a été le théâtre d’affrontements militaires en 1993 et 1994, et est aujourd’hui encore occupée par les forces nigérianes alors que la CIJ a reconnu la souveraineté du Cameroun sur toute son étendue. La Cour a également procédé à des réajustements de la frontière terrestre impliquant des transferts de villages d’un pays à l’autre, et délimité la frontière maritime à l’aide des différents traités internationaux ratifiés par tous les pays de la zone.
« La Commission mixte n’a pas le pouvoir de changer la décision, commente Diarrah « H », mais elle est chargée de mettre en confiance les deux parties et de résoudre les problèmes techniques. » Une action positive jusqu’à présent puisque l’évacuation du lac Tchad par le Nigeria s’est faite sans heurts. Les populations ne sont victimes ni d’exactions ni de tracasseries administratives. À Bakassi, le Cameroun a accepté de maintenir le statu quo, le temps que l’idée de transfert soit acceptée par les villageois qui, longtemps nigérians, doivent devenir camerounais.

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Il n’y aura donc plus de bruits de bottes dans la région ? « Nul ne peut prédire l’avenir, répond Cheick Oumar Diarrah, mais en instaurant un climat de confiance nous aidons également à créer davantage de coopération économique, ce qui est un élément de stabilité. » Le Cameroun est un pays agricole et d’élevage, qui exporte beaucoup chez son voisin. Celui-ci, en retour, lui vend beaucoup de produits manufacturés. Sur un plan géostratégique, l’apaisement des relations entre la plus grande puissance d’Afrique de l’Ouest et celle d’Afrique centrale ne peut qu’avoir un retentissement positif dans les deux régions. « Grâce à nos efforts, les présidents camerounais Paul Biya et nigérian Olusegun Obasanjo peuvent maintenant se rencontrer sans arrière-pensée », commente le diplomate. Effectivement, Biya est allé à Abuja en mai 2003 pour l’investiture de son homologue et il y est retourné en décembre pour le sommet du Commonwealth. À son tour, Obasanjo a effectué une visite d’État à Yaoundé les 27 et 28 juillet. Enfin un problème africain résolu par les Africains.

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