Révolution pragmatique

Pour réformer le pays et lui faire enfin prendre le train de la modernité, le président Nicolas Sarkozy parie sur l’audace et le volontarisme.

Publié le 9 juillet 2007 Lecture : 3 minutes.

François Mitterrand avait largement dépassé la soixantaine quand il accéda au pouvoir. Pour la génération 68 promitterrandienne, tout était possible – même les décisions économiques les plus stupides. La seule contrainte réelle venait du contexte international, marqué par un durcissement de la guerre froide. La génération pro-Sarkozy est avant tout pragmatique. Elle voit dans l’élection du nouveau président la dernière chance pour la France de prendre le train de la modernité. Pour elle, si « Londres est à Paris » – c’est-à-dire si la France adopte les réformes économiques de style anglais -, il ne sera plus nécessaire d’aller travailler à Londres pour trouver l’énergie et la flexibilité.
En réalité, en France, mai 2007 évoque davantage mai 1997 en Grande-Bretagne, quand Blair a été élu, que mai 1981. La lourde défaite des socialistes français rappelle celle des conservateurs anglais. De la même manière, le choix par Sarkozy de nouvelles figures gouvernementales qui symbolisent la diversité d’une France nouvelle fait écho à la Grande-Bretagne de Blair.
Ce dont la nouvelle majorité de Sarkozy a besoin, c’est d’inspirer l’espoir par son imagination, son sérieux et son énergie. En face d’elle, il n’y a rien. L’extrême droite d’un Jean-Marie Le Pen vieillissant n’est plus qu’un détail de l’Histoire. Le centre s’est écroulé, victime de l’orgueil et des erreurs de calcul du « troisième homme » de la présidentielle, François Bayrou, qui a choisi de s’opposer au vainqueur au mauvais moment et de la mauvaise manière. Quant au Parti socialiste (PS), il doit se réinventer, trouver de nouveaux dirigeants plus crédibles et, par-dessus tout, de nouvelles idées. Il est paradoxal d’assister en France à une telle inversion des images traditionnelles, avec une gauche dans le rôle du « parti de la crainte », dont le seul programme est dicté par la nécessité de contrecarrer Sarkozy, et une droite incarnant le « parti de l’espoir ».
De ce point de vue, le symbole de la révolution pragmatique de Sarkozy est la jeune ministre de la Justice Rachida Dati, une femme souriante et solide dont les origines franco-marocaines incarnent une promesse d’espoir pour la jeunesse des banlieues défavorisées. Il s’agit d’un message très explicite : « Je l’ai fait. Vous le pouvez aussi. »
Il ne faudrait pas pour autant sous-estimer les difficultés que Sarkozy va rencontrer. L’atmosphère évoque les jours qui ont suivi la victoire de l’équipe de France de football lors de la Coupe du monde 1998. Cette période de grâce pourrait être plus longue que d’autres dans le passé, mais la fin pourrait être plus brutale, étant donné la position exposée et solitaire de Sarkozy dans un système nettement présidentiel.
Les principaux défis que le président a à relever sont au nombre de quatre : la réforme de l’enseignement pour restaurer la compétitivité et la créativité ; la réforme du code du travail et de la législation sociale ; l’intégration des minorités ; et la contribution qu’il peut apporter à la refonte d’une opposition nécessaire à la démocratie. Mais face à ces défis, Sarkozy a de bonnes cartes en main.
L’économie française se redresse, dans le contexte d’une Europe plus sûre d’elle-même. La génération des baby-boomers, à l’origine de la victoire de 1981, est sur le point de prendre sa retraite. Et, surtout, une majorité de Français veut le changement.
C’est la grande faiblesse intellectuelle du PS. Les Français ont moins peur d’une concentration excessive des pouvoirs dans les mains d’un seul homme que de la perpétuation de l’ancien modèle de passivité brièvement entrecoupé de réformes frénétiques et mal préparées.
Mais Sarkozy peut-il vraiment réussir ? La réponse, je le crois, est un « oui » prudent : prudent parce que la France est un pays difficile à réformer, et qu’il n’y a pas eu de Margaret Thatcher avant lui. Mais « oui » quand même parce qu’il se pourrait bien que la bonne personne avec la bonne équipe soit en place au bon moment.

* Consultant à l’Institut français des relations internationales (Ifri).

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