RD Congo : sous-sol convoité

Après plusieurs années d’instabilité, Kinshasa peine à restructurer le secteur pour une relance de la production.

Publié le 9 juillet 2007 Lecture : 5 minutes.

Huit mois après l’élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC), le temps des grandes manuvres est-il venu dans le secteur minier ? Durant les années de guerre, l’exploitation industrielle du fantastique magot géologique congolais était impossible. Mais aujourd’hui, le processus électoral a changé la donne. Organisé avec l’appui de la communauté internationale, il a permis de reconduire à la tête du pays Joseph Kabila, arrivé au pouvoir en 2001. Majoritaires à l’Assemblée nationale, ainsi que dans presque toutes les provinces du pays, les hommes du parti présidentiel ont désormais les mains libres pour gouverner. Et tenter de redresser une filière en panne depuis trente ans. Le secteur minier, qui représentait près de 70 % du produit intérieur brut (PIB) dans les années 1970, peine à dépasser, aujourd’hui, les 10 %. Ancien fleuron de l’économie nationale, la Gécamines (Générale des carrières et des mines), qui connaît de graves difficultés financières, a vu sa production annuelle de cuivre passer de 400 000 tonnes durant les années 1970-1980 à 22 000 tonnes en 2006.
Pour autant, même si les investisseurs semblent vouloir miser sur la promesse d’une stabilité retrouvée, la partie est loin d’être gagnée. L’immense RDC, livrée à elle-même et privée d’infrastructures, est un pays en reconstruction. Les caisses de l’État sont vides et le vote du budget (voir encadré ci-dessous) n’incite guère à l’optimisme. La corruption demeure un fléau, une grande partie des ressources minières échappe à tout contrôle, et le pillage continue. Dans un récent rapport, l’ONG Global Witness a notamment dénoncé le trafic d’or dans la région de l’Ituri (nord-est du pays), frontalière avec l’Ouganda. Selon l’organisation britannique, des « mercenaires de la pierre » chinois ou pakistanais se livreraient par ailleurs, au Katanga, à un commerce illégal du cuivre transitant par la Zambie. La RDC est un gruyère.

Afin de mettre un terme à ce dépeçage en règle, l’État a fait savoir qu’il souhaitait augmenter la fiscalité, structurer le secteur et favoriser son industrialisation. L’enjeu est de taille. Le pays dispose des plus importantes réserves minières du monde, notamment de cuivre, d’uranium, d’or, de diamant, de coltan et de minerais rares comme le germanium. Et l’envolée des cours aiguise l’appétit des majors. La britannique Anglo-American, absente du pays depuis les années 1990, a officiellement ouvert un bureau à Kinshasa. Tout comme le géant anglo-australien Rio Tinto, qui « a repris contact » après cinquante années d’absence. BHP Billiton (autre anglo-australien), De Beers (sud-africain) et Phelps Dodge (groupe appartenant à l’américain FreePort McMoRan) sont déjà présents.
Afin de rassurer ces opérateurs, un code des investissements et un code minier ont été adoptés respectivement en 2002 et en 2003. Mais ces dispositions se sont pour l’instant avérées insuffisantes. En 2005, un rapport du député Christophe Lutundula épinglait certains joint-ventures constitués, ces dix dernières années, entre les entreprises d’État et plusieurs groupes miniers qui auraient profité du chaos pour négocier et obtenir des contrats « léonins ». En mai, le gouvernement a annoncé qu’une soixantaine de ces accords seraient audités. Cette revue a commencé le 11 juin dernier. L’examen se fera « au cas par cas » et des propositions seront faites « en vue de corriger les déséquilibres constatés », précise Martin Kabwelulu, le ministre des Mines. Si l’initiative est louable, elle risque toutefois de jeter le trouble sur un secteur en pleine consolidation.
Exemple le plus flagrant de cet engouement, Nikanor, un groupe coté à la Bourse de Londres et piloté par les deux diamantaires israéliens Dan Gertler et Benny Steinmetz (voir encadré page de droite). En échange d’un prêt de 30 millions de dollars à la société publique Gécamines, Nikanor a obtenu l’exploitation de la mine de cuivre à ciel ouvert de Kov, près de Kolwezi (l’une des plus grandes et des plus riches mines du Katanga). Des rumeurs circulent indiquant que Rio Tinto pourrait se porter acquéreur pour un montant dix fois supérieur à la mise de départ. Mais, en règle générale, « les investisseurs ne se précipitent pas, explique Christophe Ansellineau, du cabinet Simmons&Simmons. De nombreuses entreprises minières seraient tout à fait capables d’injecter des millions de dollars en RDC. Il y a quelques années, les compagnies hésitaient à investir en raison de la guerre. Maintenant, ce qui les freine, c’est l’instabilité du système juridique. » En attendant de savoir ce que deviendront leurs contrats, les majors déjà présentes se contentent de gérer leurs mines, sans investir réellement. « Mais tout le monde est à l’affût », ajoute Christophe Ansellineau.

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En ce qui concerne le diamant, les plus grandes entreprises, comme la sud-africaine De Beers et BHP Billiton, se sont implantées, il y a quatre ans, dans la province du Kasaï, considérée comme un eldorado. Elles ont passé des accords de joint-venture avec la Société minière de Bakwanga (Miba), implantée à Mbuji-Mayi, dont la production a chuté de 18 millions de carats, dans les années 1960, à moins de 6 millions actuellement. D’autres acteurs sont entrés en jeu. La junior sud-africaine Mwana Africa, déjà active dans le cuivre au Katanga, possède désormais 20 % de la Miba. On retrouve aussi l’Israélien Gertler qui, via sa société Emaxon, a obtenu un très avantageux contrat d’exclusivité sur 88 % de la production de la Miba. Mais, là encore, des difficultés demeurent. Depuis quelques semaines, le site de Mbuji-Mayi appelé Polygone V est paralysé par un mouvement de grève. Les salariés n’ont pas été payés depuis sept mois et se plaignent des conditions de sécurité insuffisantes. Trois gardes auraient été tués depuis le début de l’année par des « creuseurs » artisanaux. Ces derniers seraient près de 40 000 dans le Kasaï alors que la Miba emploie 6 000 personnes. L’exploitation artisanale s’est imposée dans le pays : elle représente plus de 80 % de la production nationale de gemmes, estimée à plus de 30 millions de carats.

Mais le minerai le plus stratégique du sous-sol congolais reste l’uranium. Au Katanga se trouve notamment la mine de Shikolobwe, entrée dans l’histoire pour avoir fourni l’uranium de la bombe américaine qui a soufflé la ville japonaise d’Hiroshima en 1945. Cette mine est officiellement fermée, mais les cours mondiaux du yellowcake ont été multipliés par 13 en cinq ans. De quoi alimenter un éventuel trafic. En novembre dernier, le Commissariat général congolais à l’énergie atomique (CGEA) a conclu un accord avec Brinkley Africa Ltd. La société britannique devait se charger d’organiser le marché de l’uranium (soutien technologique et sécurisation du site) contre l’obtention de titres miniers. Cet accord est aujourd’hui dénoncé par le nouveau ministre de la Recherche scientifique et technologique, Sylvanus Mushi Bonane. Nul doute qu’après avoir été fracturé, le coffre-fort congolais a de toute urgence besoin d’être protégé.

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