Question de temps

Une réflexion sur le rapport à la temporalité, linéaire pour le Blanc, cyclique pour l’Africain, et ses conséquences sur le travail moderne.

Publié le 9 juillet 2007 Lecture : 2 minutes.

Les Noirs sont-ils fainéants ? Dans un nouvel essai au titre éloquent, Guy Rossatanga s’attaque à ce qui constitue l’un des préjugés les plus tenaces des relations entre Africains et Occidentaux. Source inépuisable de clichés, « l’idée du rejet du travail et de l’effort par le Noir s’est imposée dans les esprits occidentaux avant de se cristalliser dans cette expression couramment utilisée au Gabon et au Congo : Le travail du Blanc ne finit jamais. » L’auteur s’est donc attaché à cette expression pour tenter de comprendre le rapport au travail et au temps qu’entretiennent Noirs et Blancs. Selon lui, « si l’Africain en est arrivé à considérer que le travail du Blanc ne finit jamais, c’est parce que celui-ci relève d’une logique temporelle différente de celle qui structure les sociétés africaines traditionnelles ». Une perception forcément « aggravée par les conditions d’irruption de cette forme de travail en Afrique », à savoir l’esclavage, puis la colonisation.
Pour Rossatanga, « le travail moderne s’inscrit dans un temps linéaire, très différent du temps cyclique existant dans la culture africaine en général », et dans la sphère culturelle bantoue en particulier. Les langues vernaculaires en témoignent ; les Laris du Congo, les Fangs du Gabon et les Hutus du Rwanda utilisent, par exemple, le même mot pour parler d’hier et de demain. Cette appréhension de la temporalité se fonde essentiellement sur le rapport au sacré, l’existence humaine étant conçue comme une intégration dans la nature-mère, rythmée par des phénomènes cycliques, à l’instar des saisons ou des marées, qui traduisent cet éternel recommencement. Par opposition, la culture judéo-chrétienne a favorisé une approche capitaliste de la gestion liée du travail et du temps, le temps linéaire étant assimilé à un fleuve coulant inexorablement de l’amont vers l’aval, c’est-à-dire du passé vers le futur. À cette conception est étroitement associée l’idée de progrès, explique Guy Rossatanga : « Une idée qui induit que l’histoire a un sens, celui qui conduit vers l’avenir, le développement, la rédemption, le paradis ou le grand soir. » Dans cette acception, « le temps linéaire est bien celui de la modernité occidentale », conclut-il.
En fonction des aires culturelles, l’Autre peut donc apparaître comme agité ou indolent. « Dès leurs premiers contacts avec l’Occident, les Africains ont vu le Blanc comme un homme pressé, un homme qui court tout le temps et qui parle même de gagner du temps. » À l’inverse, le Noir a souvent été perçu par le Blanc comme un être lent, jamais pressé, ce qu’il confirme lui-même par cette formule courante : « Les Blancs ont la montre, les Noirs ont le temps. » Reste à savoir si ces deux perceptions sont à jamais inconciliables.

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