Maroc : jogging et diplomatie

Publié le 9 juillet 2007 Lecture : 3 minutes.

C’est à Oujda, où il séjourne depuis le début de ce mois dans le cadre d’une grande tournée septentrionale qui doit le mener ensuite à Nador, Al-Hoceima, Tétouan et Tanger, que le roi Mohammed VI avait prévu d’accueillir Nicolas Sarkozy, le 11 juillet. Le choix de cette ville frontalière avec l’Algérie n’est sans doute pas fortuit, même s’il s’agit là, assure-t-on à Rabat, d’un simple effet du hasard. C’est le visage d’un autre Maroc, plus rude, moins touristique, très touché par l’émigration clandestine vers l’Europe et que la fermeture, depuis treize ans, de la frontière entre les deux voisins a condamné aux expédients et aux subventions de l’État, que le souverain souhaitait offrir à son hôte. Pourquoi, dès lors, cette étape chérifienne annoncée a-t-elle été mise en équation, à moins d’une semaine de l’échéance ? Officiellement, cette décision a été prise le 4 juillet d’un commun accord, pour des motifs logistiques (les capacités d’accueil à Oujda sont limitées) et de calendrier. Une visite d’État spécifique de Nicolas Sarkozy est d’ailleurs prévue à une date ultérieure. En réalité, les choses sont plus complexes, puisque les Marocains ont dans un premier temps donné leur accord, avant de se rétracter, puis de négocier avec l’Élysée, très embarrassé par ce couac imprévu, l’éventuel maintien de ce court séjour de travail. Il semble que le changement de date de ce voyage – initialement prévu les 9 et 10 juillet, puis décalé aux 10 et 11 -, imposé par la partie française, ait été perçu à Rabat comme l’expression, sinon d’une désinvolture, tout au moins d’une certaine légèreté. Un petit impair qui s’ajoute à une inadéquation quasi culturelle : le style du Palais s’accommode assez mal de ce type de visite minutée et effectuée au pas de charge. Bref, le temps du Maroc n’est pas forcément celui de Nicolas Sarkozy

Même si, dans le fond, les relations que Sarkozy entretient avec le royaume, où il lui est arrivé d’effectuer des séjours privés en famille (le dernier remonte à octobre 2006 et M6 l’avait, à cette occasion, reçu à Casablanca), ont toujours été bonnes, notamment dans le cadre de la coopération sécuritaire, les Marocains se doutent fort qu’elles n’atteindront jamais le degré de familiarité et de familialité qui aura été la caractéristique des années Chirac. Le roi le sait bien et il n’est pas exclu que cela l’arrange, tant l’affection paternelle dont l’entourait le précédent locataire de l’Élysée avait fini par devenir encombrante. À preuve, cette petite anecdote. Lors de sa dernière visite au souverain, il y a huit mois, celui qui n’était alors que candidat et ministre de l’Intérieur avait cru bon de jouer sur le registre de l’intimité en ouvrant ainsi la discussion : « Majesté, je suis venu pour recueillir vos recommandations. » Réponse de son interlocuteur : « Je n’ai aucune recommandation à vous faire. Tout au plus quelques conseils. »

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Le Maroc va-t-il pâtir de la « déchiraquisation » des rapports avec la France et du « partenariat d’exception » que le président entend nouer avec l’Algérie ? Certains se posent la question à Rabat. À tort, sans doute : le socle politique, économique et culturel du couple franco-marocain dépasse l’identité des chefs d’État, a résisté à bien des tempêtes et l’on ne peut, somme toute, que se satisfaire, de part et d’autre, si la personnalisation, sans doute excessive, qui avait marqué ces quatre ou cinq dernières décennies cède enfin la place à l’âge adulte. Il est un point, pourtant, sur lequel le Maroc souhaite que la France ne « bouge » pas : l’affaire du Sahara. Jacques Chirac a toujours été, sur ce dossier, ouvertement en faveur des thèses du royaume, à l’instar de l’actuel ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner. Proche de Moulay Hicham, le « prince rouge », cousin du roi, le French Doctor, alors ministre de la Santé, avait soulevé un beau tollé à Alger en déclarant en 1992 à Jeune Afrique que le Sahara était « une affaire largement manipulée, en particulier par l’Algérie ». Et Nicolas Sarkozy ? Avant ou depuis son élection, le président français ne s’est jamais exprimé publiquement sur ce sujet, délicatissime, même si l’on croit savoir que sa position personnelle n’est guère éloignée de celle de son prédécesseur. Interrogé à ce propos, il y a fort à parier qu’il s’abriterait derrière les habituelles formules diplomatiques ciselées pour ne froisser personne. Là où il n’y a que des coups à prendre, Sarkozy sait être prudent. Surtout quand, d’hésitations en atermoiements, son premier voyage de chef d’État dans cette région très importante pour la France ne s’est pas tout à fait présenté sous les auspices escomptés.

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