Kadhafi comme Nkrumah

Publié le 9 juillet 2007 Lecture : 3 minutes.

Le débat sur la création des États-Unis d’Afrique, ultime étape dans la réalisation de l’unité politique du continent, est vieux comme le panafricanisme. Ce qui est étonnant, ce sont les similitudes entre ses deux plus grands promoteurs : hier le Ghanéen Kwame Nkrumah, aujourd’hui le Libyen Mouammar Kadhafi. Ils ont le malheur d’être considérés comme des mégalomanes invétérés. Et leurs appels à l’instauration des États-Unis d’Afrique apparaissaient comme une volonté de dominer les autres.
Comme Kadhafi aujourd’hui, Kwame Nkrumah était, dès 1957, à la tête d’un pays qui roulait sur l’or. Comme Kadhafi avec l’Égypte, la Tunisie et le Maroc, Nkrumah échouera dans ses tentatives d’union avec, d’abord, la Guinée de Sékou Touré, puis avec le Mali de Modibo Keita. Comme Kadhafi au Liberia et en Sierra Leone, notamment, le président ghanéen a apporté son soutien financier à des groupes armés. C’est le cas du mouvement Sawaba de Djibo Bakary, qui, basé à Accra, cherchait à prendre le pouvoir au Niger.
C’est en 1958, un an après l’indépendance de son pays, que Nkrumah commence sa croisade pour l’unité. À l’époque, seuls le Liberia, l’Égypte, le Soudan, l’Éthiopie, le Maroc et la Tunisie sont indépendants. Ils répondent tous à l’invitation à la première conférence panafricaine des États indépendants, organisée à Accra en avril 1958. Mais, à l’exception du Libérien William Tubman, aucun chef d’État ne s’est déplacé. Nkrumah, quoique déçu, récidive en décembre avec, cette fois, une conférence des peuples africains à laquelle il n’a pas convié les dirigeants.
Au terme d’âpres débats, un consensus se dégage autour de la nécessité d’une unité continentale. Contrairement au vu de leur hôte, les participants trouvent l’idée irréalisable dans l’immédiat. Entre-temps, le 28 novembre 1958, Nkrumah et Sékou Touré ont annoncé de façon spectaculaire l’union de leurs deux pays avec, à la clé, un prêt à taux préférentiel de 10 millions de livres sterling à Conakry. Mais cette union reste une coquille vide, jusqu’à son éclatement en mai 1960. Celle tentée avec le Mali, que rejoint la Guinée, en décembre, subit le même sort.
Personne ne veut suivre le numéro un ghanéen dans cette démarche jugée irréaliste, de peur, peut-être, de tomber sous son emprise. De plus, il n’a pas suffisamment d’amis pour le soutenir, que ce soit du côté francophone, anglophone ou arabophone. Ses rapports avec les dirigeants en vue de l’époque, l’Ivoirien Félix Houphouët-Boigny, le Sénégalais Léopold Sédar Senghor, le Togolais Sylvanus Olympio, sont marqués par la méfiance. Les Nigérians Obafemi Awolowo, Nnamdi Azikiwe, Tafawa Balewa lui sont particulièrement hostiles.
Le 18 mai 1961, le journal West African Pilot de Lagos, appartenant à Azikiwe, écrit : « La plupart du temps, le leader ghanéen tient des propos sensés. Mais lorsqu’il commet des erreurs, elles sont monumentales. Nous le savons grand défenseur de l’unité africaine, mais cela ne veut pas dire qu’il ait raison dans sa conception des affaires africaines. [] Le Dr Nkrumah soutient que le panafricanisme ne représente rien s’il ne s’évade pas des frontières artificielles imposées par le colonialisme. Le Ghana est uni à la Guinée. Or ces deux pays n’ont toujours ni monnaie ni Parlement communs. Le Ghana est très différent de la Guinée et cette prétendue union n’est qu’un chiffon de papier. []
Le Dr Nkrumah veut être à la tête de n’importe quel mouvement ou, s’il ne le peut pas, il reste en marge parce qu’il lui faut toujours commander. Cet homme, c’est le messie. Ce n’est pas un gars qui suit les troupes en marche pour ramasser leurs déchets. Il est nécessaire de dire au Dr Nkrumah que la poursuite obstinée de ses ambitions territoriales ne le conduira nulle part. [] Ce verbiage sur le Parlement africain et une Afrique sans frontières n’est qu’un camouflage destiné à masquer ses ambitions. [] Qu’il renonce à la poursuite de principes fallacieux. » Nkrumah et Kadhafi, mêmes déboires…

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