José Sócrates

Hyperactif, pragmatique et sans tabou, le Premier ministre portugais, qui a pris les rênes de l’Union européenne pour six mois, n’est pas sans rappeler le chef de l’État français. Sauf qu’il est socialiste.

Publié le 9 juillet 2007 Lecture : 5 minutes.

José Sócrates Carvalho Pinto de Sousa n’a pas perdu de temps. Moins d’une semaine après avoir hérité de la présidence de l’Union européenne (UE) pour six mois, le voilà à Accra, au Ghana, pour assister au sommet de l’Union africaine (UA), qui s’est tenu du 1er au 3 juillet. Si le Premier ministre portugais a réservé à l’Afrique sa première visite officielle à l’étranger en tant que « président » de l’Europe, c’est pour préparer l’un de ses rendez-vous diplomatiques majeurs de l’année : la rencontre UE-Afrique, prévue les 8 et 9 décembre, à Lisbonne (le dernier sommet a eu lieu au Caire, en 2000).
Les priorités européennes de Sócrates sont connues : l’avenir du traité constitutionnel et des institutions, mais aussi la réorientation de la politique étrangère des Vingt-Sept, « qui doit se tourner davantage vers le Sud ». Le Premier ministre portugais prône un vrai dialogue politique avec l’Afrique, fondé sur le renforcement des partenariats, l’investissement dans le développement économique pour stopper les flux migratoires, la coopération en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme, et le rapprochement avec le Maghreb.
À moins de six mois du sommet de Lisbonne, José Sócrates a créé la sensation – et la polémique – en refusant tout ostracisme à l’égard du président zimbabwéen Robert Mugabe, se démarquant ainsi des autres dirigeants européens à qui il propose une approche différente : traiter l’UA comme un ensemble et l’inviter à ce titre en lui laissant le soin de choisir elle-même les dirigeants qui la représenteront à Lisbonne.

Divorcé, père de deux enfants, « chrétien sans être catholique », José Sócrates est né en 1957 à Porto (nord du Portugal) dans une famille de la petite bourgeoisie. Socialiste, il est souvent comparé à l’ex-Premier ministre britannique Tony Blair. S’il assume ce parallélisme, il préfère cependant, et de loin, le modèle suédois. La gauche, il la voit pragmatique, sans dogme, décomplexée et ayant pour préoccupation essentielle les résultats, quitte à briser les tabous, tout en respectant ses valeurs.
Hyperactif, pragmatique et sans tabou, il n’est pas sans rappeler également le président français Nicolas Sarkozy. Libéré du carcan idéologique, José Sócrates vit et agit librement, avec pour seule règle l’efficacité. Non sans soigner son image : à Accra, comme partout où il se rend en visite officielle, il a respecté son rituel du jogging matinal. Élégant, il s’habille chez les meilleurs couturiers sans se soucier du qu’en-dira-t-on.

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Lorsqu’il arrive à la tête du gouvernement, en mars 2005, il commence par s’attaquer aux privilèges. Cible numéro un : la fonction publique, qui emploie 700 000 personnes dans un pays de 10 millions d’habitants. Sócrates y met bon ordre en réduisant ses effectifs de 10 %. Il porte l’âge de la retraite à 65 ans et supprime certains avantages tels que la promotion automatique et le licenciement par accord mutuel. Il supprime aussi 25 % des postes de direction dans le secteur public et augmente la TVA Les trois grandes manifestations organisées par les syndicats à Lisbonne ne le font pas céder.
En deux ans, sa cote de popularité n’a fléchi que de trois points (de 61 % à 58 %). Une performance qu’il doit à sa soif de réformes, que partage la majorité des Portugais. Mais aussi au contrôle qu’il exerce sur le Parti socialiste (PS) et à la mauvaise posture de l’opposition.

Avant de se retrouver à la tête du gouvernement, José Sócrates a patiemment gravi tous les échelons du PS. En 1974, quand le Portugal se libère de la dictature salazariste à la faveur de la révolution des illets, il a 17 ans. Il adhère au mouvement des jeunes du Parti social-démocrate (PSD), auquel appartient son père. Jugeant le PSD trop à droite, il le quitte en 1981, après avoir terminé ses études d’ingénieur civil, pour rejoindre le PS. Protégé du futur Premier ministre António Guterres, Sócrates fourbit ses premières armes d’homme politique en dirigeant la fédération socialiste de Castelo Branco, dans la région de Beira Baixa (Est), avant d’être élu député en 1987, à 30 ans, puis réélu en 1991. Quatre ans plus tard, lorsque son mentor devient Premier ministre, il entre au gouvernement. D’abord comme secrétaire d’État à l’Environnement, puis comme ministre adjoint au Premier ministre et ministre de l’Environnement et de l’Aménagement du territoire.
Ces fonctions ministérielles aiguisent chez lui l’appétit du pouvoir. Lentement, mais sûrement, il s’impose au sein du PS, dont il devient le secrétaire général en septembre 2004. Surpris mais incrédules, les barons du parti pensent que ce succès fera long feu. Mais c’était compter sans la ténacité de Sócrates, qui parachève sa victoire en février 2005 lors des législatives remportées sans coup férir par le PS. Les portes du pouvoir s’ouvrent alors largement devant lui.

Le Premier ministre portugais, dont le sens de la communication est un des atouts, a de nombreux défis à relever. Le plus important est de redresser son pays, qui est l’un des parents pauvres de l’UE. Les déficits publics sont récurrents, le chômage élevé, les investissements rares, le système d’enseignement à la traîne. Sócrates a promis de créer 150 000 emplois grâce à la relance économique et a d’ores et déjà ramené le déficit budgétaire de 6,8 % à 3,9 %.
En dépit de la difficulté de la tâche, de ses colères légendaires, voire parfois de sa brutalité, il continue de bénéficier d’une sorte d’état de grâce. Jusqu’à quand ? De Sócrates, l’ancien président Mário Soarès dit que c’est « un homme déterminé, pragmatique et courageux. Il décide, il commande et il fait. Son objectif n’est pas d’en finir avec les riches, c’est d’en finir avec la pauvreté ! » À son actif, l’autorisation de la recherche sur les cellules embryonnaires et la légalisation de l’avortement dans un pays profondément catholique et conservateur ; la loi sur la parité qui oblige les partis politiques à présenter 33 % de femmes sur leurs listes. Son grand rêve : redonner tout son prestige à l’État social en le remettant au service de l’intérêt général. Son seul handicap sur le plan européen est d’être à la tête d’un pays qui ne pèse pas lourd. Mais il y a fort à parier que Sócrates a plus d’un tour dans son sac pour transformer ce handicap en avantage.

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