Il y a ville et ville

Plus de la moitié de la population mondiale vit désormais en milieu urbain. Mais Paris ou Londres ne sont pas Bombay ou Mexico.

Publié le 9 juillet 2007 Lecture : 3 minutes.

Le progrès économique passe-t-il nécessairement par le développement des villes ? Si tel est le cas, leur essor actuel ne peut qu’inciter à l’optimisme. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, plus de la moitié de la population mondiale vit en milieu urbain. En un demi-siècle, le nombre des citadins a été multiplié par quatre et demi, pour atteindre 3,3 milliards aujourd’hui. En 2030, il s’élèvera à 5 milliards.
Amorcé dès le début du XXe siècle dans les pays développés, le mouvement d’urbanisation y est le plus avancé : plus des trois quarts des habitants d’Europe ou d’Amérique du Nord vivent aujourd’hui dans les villes. Mais il progresse à vive allure dans les pays du Sud. L’Asie et l’Afrique comptent encore une majorité de ruraux, mais c’est sur ces deux continents que la croissance urbaine est actuellement le plus rapide. Sur un demi-siècle, de 1950 à 2005, elle a été en moyenne de 3,4 % en Asie et de 4,3 % en Afrique. D’ici à 2030, la population urbaine de la première passera de 1,36 milliard d’habitants à 2,64 milliards et celle de la seconde de 294 millions à 742 millions.
Mais il y a ville et ville. L’urbanisation dans les pays en développement se caractérise par une prolifération des zones d’habitat précaire – les bidonvilles pour simplifier. À un point tel qu’un citadin sur trois, soit près de 1 milliard d’individus, loge aujourd’hui dans ce type d’habitat.
Certains chiffres donnent le vertige. Avec 10 à 12 millions de personnes vivant dans des taudis ou, à tout le moins, dans un environnement insalubre, Bombay bat tous les records. Comptant chacune de 9 à 10 millions de personnes logées à la même enseigne, si l’on ose dire, Mexico et Dacca n’ont pas grand-chose à envier à la mégapole indienne. Dans ce palmarès de la pauvreté urbaine, on trouve ensuite Lagos, Le Caire, Karachi, Kinshasa, São Paulo, Shanghai, New Delhi, avec 6 à 8 millions de bidonvillois dans chacune de ces villes. Pour ce qui concerne l’Afrique subsaharienne dans son ensemble, la proportion d’habitants de bidonvilles dans la population urbaine totale dépasse 70 %.
Ainsi, derrière les chiffres globaux se dessinent des réalités très contrastées. Quoi de comparable entre les conditions de vie d’un Parisien ou d’un Londonien, même de revenu modeste, et celles de l’habitant moyen d’une ville comme Kinshasa ? Pour survivre, ce dernier n’a d’autre solution que le secteur informel ou la production de denrées agricoles. Comme le souligne Jacques Véron dans le dernier numéro de Population & Sociétés, le bulletin mensuel de l’Institut national d’études démographiques (Ined, France), une des conséquences de la pauvreté est la ruralisation des villes.
Manque d’eau potable, absence de systèmes d’assainissement, accumulation de déchets, air vicié Dans les pays en développement, les citadins vivent pour la plupart dans des conditions épouvantables aux yeux de l’observateur étranger. Et pourtant, cette vie se révèle souvent moins dure que dans les villages environnants dont les habitants sont privés de tout. Au moins les citadins peuvent-ils bénéficier d’un minimum d’équipements collectifs, en particulier dans le domaine de la santé. Pour les femmes, la ville offre plus de possibilités de participation à la vie sociale et économique. Elles ont plus de chances d’accéder à des moyens de contraception. C’est pour cela qu’en Afrique comme ailleurs les taux de fécondité sont sensiblement plus bas dans les zones urbaines qu’à la campagne.
Ainsi donc, depuis des décennies, la problématique reste la même : seule une amélioration des conditions de vie des populations rurales peut freiner le mouvement vers les villes. Le freiner, mais certainement pas l’arrêter.

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