Etats-Unis d’Afrique ?

Publié le 9 juillet 2007 Lecture : 3 minutes.

Au cours du sommet de l’Union africaine, qui s’est tenu du 1er au 3 juillet dans la capitale du Ghana, un groupe de chefs d’État mené par le « Guide de la révolution libyenne » Mouammar Kadhafi et le président du Sénégal Abdoulaye Wade a tenté de faire adopter par leurs pairs une belle utopie : les États-Unis d’Afrique.
Ils ont claironné :
– « Il faut – vite – faire de ce berceau de l’humanité qu’est le continent africain – un milliard d’hommes, de femmes et d’enfants, noirs, blancs et métis, répartis en 12 grands peuples, 53 pays et dix fois plus d’ethnies, ?parlant près de 2 000 langues, pratiquant plusieurs religions différentes – un seul État (fédéral) : les États-Unis d’Afrique, doté d’un exécutif central fort – le gouvernement de l’Union -, d’une seule armée, d’une Banque centrale et d’une monnaie. »

Pourquoi ces chefs d’État néopanafricanistes et pressés militent-ils pour un État continental sur le modèle des États-Unis d’Amérique et veulent-ils que cet État voie le jour sans délai ?
Pourquoi en viennent-ils aujourd’hui à rejeter la démarche adoptée par les chefs d’État africains, en juillet 2000 à Lomé, et consignée dans l’acte constitutif de l’Union africaine (ratifié par les États membres) ?
Cette démarche-là s’était inspirée, elle, de ce qui a été réalisé patiemment, en un demi-siècle, par les Européens. On sait que ces derniers ont commencé leur processus d’intégration par six pays et deux produits (le charbon et l’acier), pour parvenir, étape par étape, à un marché unique de 27 pays et à une monnaie commune pour une quinzaine de pays.

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À l’appui de leur thèse, le colonel Kadhafi et ses émules avancent des arguments de poids :
– En quarante ans, l’Organisation de l’unité africaine (OUA), prédécesseur de l’actuelle Union africaine, n’a organisé que la désunion.
D’ailleurs, sa charte glorifiait l’indépendance des États plutôt que les transferts de souveraineté, recommandait la non-ingérence, le respect des frontières au lieu de pousser à l’intégration.
– Depuis cinq ans qu’elle existe, l’Union africaine, qui a remplacé l’OUA et dont on espérait qu’elle ferait franchir au continent des étapes significatives sur le chemin de l’intégration et de l’unité, n’a pas obtenu les résultats escomptés.
Son budget est faible et il ne couvre que ses frais de fonctionnement.
Les institutions continentales prévues par l’acte constitutif ? Celles qui ont été créées fonctionnent mal ; beaucoup d’autres n’ont tout simplement pas vu le jour.
Conclusion des panafricanistes : c’est pour sortir de cette ornière qu’il faut changer de rythme, de méthode et de modèle.
Les peuples africains sont prêts à faire ce saut ; leurs gouvernements doivent se mettre à leur diapason.

Au cours de ce sommet annuel de l’Union africaine, dont notre envoyée spéciale vous décrit plus loin le déroulement et les arcanes (voir pp. 48-55), les néopanafricanistes n’ont pas eu gain de cause. Les « réalistes » leur ont opposé, outre la force d’inertie, des arguments tout aussi forts, et le sommet s’est achevé sur une « déclaration d’Accra » qui promet d’utiliser les prochains six mois à rapprocher les Africains de ce « gouvernement de l’Union », symbole de l’intégration politique, préalable, selon les panafricanistes, à l’intégration économique.

La majorité des dirigeants africains croit que Kadhafi, Wade et ceux qui leur ont emboîté le pas sont mus soit par la démagogie, soit par des calculs personnels. L’argument central de ces « réalistes » est qu’aucun autre continent n’a sauté le pas que les panafricanistes adjurent les Africains de sauter : si aucun autre continent n’a fait ce que recommandent les panafricanistes, c’est que c’est irréaliste, ou même dangereux.

J’attire l’attention de ces « réalistes » sur le cas de l’Union indienne : c’est un (quasi)-continent d’un milliard d’habitants où coexistent plusieurs peuples de différentes religions, ethnies, castes et langues par centaines.
Tout comme l’Afrique.
L’Union indienne est depuis soixante ans un État fédéral, démocratique, qui fonctionne et se développe.
Si les Africains veulent un exemple, c’est celui-là qu’il leur faut étudier.
Et suivre.

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