Escalade de violence

L’intransigeance de Niamey face à la détermination des rebelles risque d’enflammer le pays. Et d’ébranler tout le secteur économique.

Publié le 9 juillet 2007 Lecture : 3 minutes.

L’événement est suffisamment rare pour être relevé. Le président Mamadou Tandja a brillé par son absence lors du 9e sommet de l’Union africaine tenu à Accra, du 1er au 3 juillet (voir pp. 48-55). Connu pour son infaillible assiduité aux assises continentales (il n’a raté aucun des précédents sommets depuis son accession aux affaires en novembre 1999), le chef de l’État nigérien a choisi de la démentir à un moment où son allié libyen avait le plus besoin de son soutien.
Mouammar Kadhafi avait demandé à tous ses partenaires de la Censad (la communauté des États sahélo-sahariens, dont le Niger est membre fondateur au même titre que la Jamahiriya) de l’appuyer durant le débat sur la création des États-Unis d’Afrique. Pourquoi le président Tandja lui a-t-il fait faux bond ? Proximité du scrutin municipal, prévu le 24 juillet ? Remise en ordre dans la maison MNSD (Mouvement nigérien de la société de développement, parti au pouvoir) après le vote de défiance du Parlement, le 31 mai, qui a renversé le gouvernement de Hama Amadou, longtemps considéré comme le dauphin naturel de Tandja ? Rien de tout cela. L’explication tient en trois lettres : MNJ, le Mouvement nigérien pour la justice.
En quelques mois d’existence, cette organisation politico-militaire touarègue a introduit dans le nord du pays un lourd climat d’insécurité. Désormais, le voyageur désirant se rendre d’Agadez à Arlit ne peut le faire que sous escorte militaire, service que les Forces armées nigériennes (FAN) n’hésitent pas à facturer au prix fort.

Depuis son premier coup de force, l’attaque d’un casernement des FAN, en février 2007, qui avait fait trois morts parmi les soldats de l’armée régulière, le MNJ s’est doté d’une direction politique emmenée par Agaly Alambo, un ex-chef d’agence de voyages d’Agadez, d’une plate-forme de revendication et d’une stratégie de communication des plus sophistiquées. Multipliant les opérations les plus audacieuses (attaque contre l’aérodrome international d’Agadez, embuscades contre les sites d’exploitation minière et d’exploration pétrolière), le MNJ a infligé un véritable camouflet aux FAN en assiégeant, le 22 juin, la caserne de Tazzarzet, au pied du mont Tamgak, le fief des insurgés. Bilan de la bataille : 15 militaires tués et 72 prisonniers dont une quarantaine de blessés. L’armurerie du camp a été vidée et plusieurs véhicules dotés de lance-missiles ont été subtilisés par les rebelles.
À l’audace des opérations du MNJ répond inlassablement la position figée de Niamey. « Le MNJ est un ramassis de bandits, répète Mohamed Ben Omar, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement nigérien. Ses attaques à répétition contre les FAN ont pour objectif de sécuriser la route de la drogue et celle de tous les trafics qu’il a organisés dans le Sahel. » Alambo a beau rejeter ses accusations, assurer que son organisation n’est ni criminelle ni ethnique, et réitérer son offre de dialogue aux pouvoirs publics, rien n’y fait. Pour le président Tandja, « on ne discute pas avec des trafiquants et des coupeurs de route ». La classe politique, les élus d’Agadez en tête, ne pose pas le même diagnostic. Et milite en faveur d’une solution politique. Le Parlement leur a emboîté le pas, ainsi que la société civile. Mais Tandja reste sourd à ces appels : « On ne discute pas avec le grand banditisme qui trouble l’ordre public. »

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Le chef de l’État a donc décidé, le 2 juillet, d’envoyer les troupes. Plus de 4 000 soldats des FAN vont être acheminés vers la région d’Agadez. Selon le MNJ, le nouveau Premier ministre Seyni Oumarou s’est vu confier une mission délicate : faire l’acquisition d’une escadrille d’hélicoptères, à prix abordable, afin de pouvoir disposer d’une couverture aérienne, plus que nécessaire pour déloger les rebelles de leur fief de Tamgak.
Les bruits de bottes, de plus en plus assourdissants, ne sont pas sans conséquence. Les travailleurs chinois du groupe pétrolier CNPC ont décidé, le 1er juillet, de plier bagage, mettant un terme à l’exploration pétrolière dans le bassin du Djado. Plus grave : l’instabilité qui a gagné le nord du pays menace même le mégaprojet de gazoduc, entre Lagos et Alger, qui doit fournir à l’Europe près de 20 milliards de m3 annuels de gaz. Inscrit dans le programme du Nepad, ce futur pipeline devait être présenté aux investisseurs européens, le 9 juillet, à Bruxelles. Mais la détermination des rebelles et l’intransigeance des autorités de Niamey risquent d’en rendre le montage financier plutôt difficile.

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