Yves Saint Laurent

Le grand couturier français est décédé le 1er juin, à l’âge 71 ans. Originaire d’Oran, en Algérie, il avait révolutionné la mode dans les années 1960.

Publié le 9 juin 2008 Lecture : 3 minutes.

Pour magnifier les courbes, rien de mieux que les lignes. Pour exalter la féminité, rien de tel que ce soupçon d’androgynie qui brouille les codes, dissout les cadres et suscite une sensuelle ambiguïté. Avec sa robe chasuble Mondrian créée en 1965, le couturier français Yves Saint Laurent a prolongé et incarné l’oeuvre du peintre néerlandais qui enfermait ses couleurs entre des lignes noires dans le carré rigide de ses toiles. L’année suivante, âgé d’à peine 30 ans, le styliste natif d’Oran allait encore plus loin : en offrant un smoking aux femmes, il leur donnait le pouvoir et faisait vaciller la sévère opposition entre masculin et féminin. Bien avant que la société n’entreprenne une mue qu’elle est, encore aujourd’hui, loin d’avoir achevée.
Né en Algérie le 1er août 1936, mort à Paris d’une tumeur au cerveau le 1er juin, Yves Saint Laurent reposera dans les jardins de la propriété Majorelle qu’il possédait à Marrakech. Unanime, la presse salue le créateur génial et maladivement timide qui avait décidé de se retirer, en 2002, d’un monde qui ne le comprenait pas. « La création et le marketing ne font pas bon ménage. Cette époque n’est plus la nôtre », disait-il alors.
Autodidacte, Yves Saint Laurent revenait toujours aux années algériennes de sa vie. « L’adolescence, avait-il coutume de dire, est une composante essentielle de mon caractère. Je suis habité par mes 15 ans. » De cette période trouble où le corps s’affirme et où la sexualité tâtonne, il ne gardait pourtant guère de bons souvenirs. Son homosexualité patente ne pouvait échapper à des « camarades » qui en firent leur souffre-douleur. Son échappatoire fut le dessin.

Dès 1954, il publie des croquis dans Vogue. Sa rencontre avec Dior est décisive. Adoubé, il succède au maître du New Look à sa mort, en 1957. Il a 21 ans. La légende commence tôt. Remettant au goût du jour la ligne « trapèze » portée disparue depuis le XVIIIe siècle, Yves Saint Laurent connaît aussitôt un immense succès.
Mais le Petit Prince de la mode a aussi sa part d’ombre. Appelé à combattre en Algérie, il est miné par une série de dépressions dont il ne s’extraira, partiellement, que grâce à l’amour de Pierre Bergé. Compagnon fidèle, celui-ci lui permettra aussi de fonder sa propre maison et de se décharger de toutes les contraintes commerciales. Le sigle YSL deviendra synonyme de bien des révolutions : on lui doit entre autres la transparence d’une blouse, les lignes droites d’une saharienne ou encore les multiples détournements d’habits traditionnellement réservés aux hommes.
Yves Saint Laurent était né en Afrique, il lui resta fidèle. En étant l’un des tout premiers à proposer une collection « africaine », en 1967, où la robe Bambara se distinguait par ses franges et ses perles de bois. En étant le premier à employer des mannequins noires.
Parmi elles, la Guinéenne Katoucha Niane, qui l’a précédé de quelques mois dans la mort. Elle écrivait de lui : « Yves Saint Laurent me fascine autant par son immense fragilité et son esprit tourmenté que par son art de mélanger le classique et l’anticonventionnel. [Â] Je prononce son nom tout bas avec des clochettes plein la tête, suivi d’un silence. Cette émotion et cette timidité qui font perdre ses moyens, nul n’y échappait face à lui. » Les femmes peuvent le dire tout bas, avec des clochettes plein la tête : « Après lui, nous ne sommes plus les mêmes. » Suivi d’un silence.

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