Exclusif : la Cour suprême mauricienne va-t-elle chambouler tout l’internet africain ?

Un conflit oppose Afrinic, distributeur en gros des blocs d’adresses IP permettant d’accéder à internet sur le continent, et Cloud innovation, une obscure entreprise enregistrée aux Seychelles, contrôlée par un acteur du net d’origine chinoise. Au cœur du litige : qui a le droit d’utiliser ces adresses attribuées à l’Afrique ?

Publié le 27 août 2021 Lecture : 9 minutes.

Dernier arrivé au bal de l’internet, le continent a reçu une portion certes congrue mais précieuse d’une denrée rare : les blocs d’adresses IP. Pour rappel, ces « numéros » servent à identifier chaque appareil connecté à internet (smartphone, tablette, ordinateur…), afin qu’il puisse accéder aux sites et aux services voulus par l’utilisateur.

Les plus anciennes, que l’on regroupe sous le sigle IPv4 (Internet Protocol Version 4) sont en nombre limité et surtout ont été souvent distribuées il y a longtemps, aussi leur valeur sur le marché a explosé ces dernières années. « À mesure que l’internet se développe, la demande de numéros IPv4 supplémentaires ne faiblit pas », expliquent les analystes Milton Mueller, Vagisha Srivastava et Brenden Kuerbis, du centre de recherche Internet Governance Project.

Aussi, les opérateurs souhaitant obtenir en blocs ces adresses doivent souvent en acquérir sur le marché secondaire (le « marché des transferts », dans le jargon du métier) où le « le prix des adresses IPv4 est passé d’environ 8 dollars par adresse individuelle en 2017 à 30 dollars aujourd’hui », selon les analystes de Internet Governance Project.

Un stock limité

Malgré le développement de IPv6, un protocole internet plus moderne, IPv4 « achemine encore aujourd’hui la plupart du trafic Internet », note un spécialiste du secteur.

L’attribution des adresses IP est du ressort d’institutions non gouvernementales régionales, les Registres internet régionaux. Le RIR africain est Afrinic, il a reçu 2 % du stock mondial d’un peu moins de 4 milliards d’adresses internet IPv4 disponibles, contre 40 % pour l’Amérique du Nord, 21 % pour l’Asie-Pacifique, 18 % pour l’Europe et le Moyen-Orient, 4 % pour l’Amérique latine, le reliquat étant aux mains de l’Internet Assigned Numbers Authority (l’Autorité d’assignation des numéros internet), autorité historique du net.

Les « membres » d’Afrinic s’acquittent d’une souscription annuelle pouvant aller jusqu’à plusieurs dizaines de milliers de dollars

Afrinic a été institué en 2004 à Maurice, près d’une dizaine d’années après, par exemple, son homologue nord-américain ARIN. Si le RIR de l’Asie-Pacifique a épuisé son stock d’adresses IPv4 en 2011, Afrinic en dispose encore, mais ses réserves sont en net recul, de près de 70 millions d’adresses « distribuables » en 2013 à un peu moins de 2 millions aujourd’hui.

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C’est dans ce contexte qu’a émergé le conflit entre l’institution africaine et l’un de ses « membres » : Cloud Innovation Ltd, une société quasi anonyme enregistrée aux Seychelles. Les « membres » d’Afrinic – Opérateurs télécoms, fournisseurs d’accès à internet, entreprises publiques et privées… – s’acquittent d’une souscription annuelle allant d’environ 100 dollars à plusieurs dizaines de milliers de dollars en fonction du nombre d’adresses IP acquises en bloc.

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