Luxe, calme et créativité

Derrière les murs blancs des fermes de Ghazoua, près de l’ancienne Mogador, vivent des dizaines d’Européens. Certains s’offrent une résidence secondaire, d’autres une nouvelle vie.

Publié le 9 juin 2008 Lecture : 4 minutes.

De prime abord, Ghazoua ressemble aux autres villages autour d’Essaouira, avec sa piste de terre et de rocailles qui traverse la minuscule place du village, son café, son épicerie et ses grappes de maisons blanches éparpillées à travers la campagne. Mais un détail attire le regard : le nombre insolite de plaques d’immatriculation européennes.
Avec sa nature sauvage et préservée, la région constitue un refuge privilégié pour échapper à la réalité et donner corps à ses rêves. Celui de Dominique et Caroline s’appelle Dar Baoussala. Les deux cousines ont laissé derrière elles leur vie parisienne pour se lancer dans le « tourisme authentique ». L’architecture décalée de leur maison d’hôtes rappelle celle des casbahs berbères. Ses murs d’un ocre rose émergent au milieu d’une forêt d’eucalyptus. Il flotte dans l’air une délicieuse sérénité « Baoussala signifie Âboussole en arabe, explique Dominique. Ce qui correspond tout à fait à l’endroit. Ici, on perd un peu le nord, avant de le retrouver » C’est d’ailleurs ce que les touristes viennent chercher dans ce lieu coupé du monde. Dehors, un père de famille italien plie sa voile de kitesurf pendant que ses filles jouent avec les chats du patio. Dans le salon, un avocat anglais bouquine au coin du feu. On est à des années-lumière du tourisme de masse ou des hôtels cinq étoiles de Marrakech.

De véritables palais à l’abri des regards
Depuis six ans, les maisons d’hôte et les résidences secondaires fleurissent un peu partout. À croire que chaque nouvel arrivant rêve de bâtir son propre havre de paix. Du simple dar à la maison de maître en passant par la casbah, ces demeures transforment la région en un patchwork architectural assez fantaisiste. Mais les pièces les plus surprenantes ne se livrent pas facilement aux yeux des curieux. Après des kilomètres de pistes, au détour d’un virage, on peut découvrir de véritables palais. Celui de Philippe et Sabine Luciani est caché au milieu des arganiers, au bord d’un large étang artificiel. Sur 570 m2 de surface habitable, ce couple de décorateurs originaire de Strasbourg a laissé libre cours à son inspiration. Les styles se mélangent dans un ensemble extravagant mais harmonieux de meubles et matériaux divers. Dans le salon, la table basse chinoise côtoie un coffre berbère ou un fauteuil indonésien. Le bureau est surplombé par un immense plafond marocain récupéré chez un antiquaire de Fès. Quant à la chambre, c’est la copie conforme d’une cabine de bateau, où trône une lourde mappemonde en bronze importée d’Indonésie.
Philippe se définit lui-même comme « un décorateur un peu fêlé. Tout ce qui est simple ne m’intéresse pas », ajoute-t-il. Ses goûts ont fait des émules. En face de chez lui, une autre maison, tout aussi luxueuse. Cour intérieure entourée de colonnes, large toit ouvrant et grande piscine à la forme ondulante, d’où l’angle droit est banni. Philippe a bâti cette propriété pour un ami. Le prix ? Il réfléchit Difficile de donner un chiffre quand les gens dépensent sans compter. Plusieurs centaines de milliers d’euros, sûrement.
Après avoir travaillé sur quelques mégaprojets dans le nord du Maroc, sa femme et lui enchaînent les commandes sur Essaouira. « Mais on peut se permettre de faire le tri, précise Sabine. Aujourd’hui, on ne va pas sur plus d’un projet à la fois. » En ce moment, le couple travaille à la rénovation d’un riad dans la médina. C’est une véritable petite entreprise qui s’est montée derrière leur maison. Dans un atelier-caverne d’Ali Baba s’amassent les objets et les matériaux les plus hétéroclites. Une quinzaine de menuisiers s’affairent à rénover, poncer, assembler le tout dans un nuage de copeaux. « Une vingtaine de maçons travaillent également pour nous », ajoute Philippe.

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Et les prix explosentÂ
Car les chantiers ne manquent pas à Essaouira. Marrakech saturée et dénaturée, sa petite voisine accueille les déçus de la ville ocre et la nouvelle vague d’Européens à la recherche d’orientalisme et d’une meilleure qualité de vie. « Cela fait une dizaine d’années que les étrangers s’intéressent à Essaouira, confirme Kamal Araifa, directeur de l’agence immobilière Karimo. Mais il y a eu une nette accélération ces dernières années. » Et les prix explosent. Impossible de trouver un riad à rénover à moins de 150 000 euros. Une fois retapé, il peut se revendre trois à quatre fois plus cher. Mais comment la population d’Essaouira réagit-elle face à cette augmentation ? Quand on questionne les habitants, le constat est partagé. « Ceux qui veulent vendre sont contents et ceux qui veulent acheter ne le sont pas, explique Fouad, qui presse des oranges sur le port. Il y a beaucoup de maisons très belles à présent, mais les Marocains n’ont pas de quoi se les acheter »
Globalement, la région échappe encore aux gros promoteurs immobiliers. Le front de mer et les espaces boisés appartiennent aux Eaux et Forêts. Quant aux autres terrains, ils sont rarement titrés, ce qui en complique l’achat. Difficile, donc, de mettre en place un programme immobilier sur plusieurs centaines d’hectares comme près de Marrakech. Ce qui n’a pas empêché le gouvernement de choisir Essaouira pour y établir l’une des stations du plan Azur, celle de Mogador, qui sera, à terme, plus grande que la ville actuelle.

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