L’ONE sous tension

La facture énergétique du Maroc flambe et l’Office national d’électricité peine à faire face à la hausse de la demande. En attendant les nouvelles centrales, le pays adopte une vieille recette : le changement d’heure.

Publié le 9 juin 2008 Lecture : 3 minutes.

Dans la nuit du 31 mai au 1er juin, les Marocains ont avancé leur montre d’une heure. La dernière fois qu’ils l’ont fait, c’était au début des années 1980, dans la foulée du deuxième choc pétrolier. L’objectif est le même qu’il y a vingt-cinq ans : gagner quelques rayons de soleil pour réaliser des économies d’énergie. Mais avancer les aiguilles de soixante minutes n’est pas anodin. Les autorités ont hésité jusqu’au dernier moment. Attendu tout au long du mois de mai, le décret royal officialisant la décision du changement d’heure est finalement tombé le 30Â Car, par-dessus tout, l’État a voulu écarter le danger d’une panne géante, qui, à l’approche des surchauffes estivales, menace depuis quelques années de paralyser le pays.
Le Maroc est étranglé par les dépenses énergétiques. Près de 70 % de l’électricité qu’il consomme est produite à base de charbon et de fuel importés. Avec la flambée des cours des matières premières, le coût de ces importations a bondi. Entre 2002 et 2007, la facture énergétique marocaine (pétrole plus charbon) est passée de 19 à 46 milliards de DH (1,6 à 4 milliards d’euros). Il faut donc réduire les dépenses par tous les moyens. « Le changement d’heure [jusqu’au 24 septembre, NDLR] doit permettre d’économiser l’équivalent de la consommation de Marrakech », explique une source interne à l’Office national d’électricité (ONE).
Mais c’est aussi le contexte national qui a conduit au passage à l’heure d’été. Entraînée par le développement des industries gourmandes en électricité et la progression de l’équipement des ménages en appareils électroménagers, la consommation d’électricité a augmenté de 8 % par an en moyenne depuis 2005 (pour atteindre 22 000 GWh en 2007). En face, faute d’investissements pendant plusieurs années, l’outil de production ne s’est pas adapté : le Maroc consomme plus d’électricité que l’ONE n’en produit, la différence étant importée. Résultat, les installations fonctionnent à flux tendu et le pays est toujours au bord de la coupure de courant, surtout en été, quand les climatiseurs tournent. Le black-out a été évité de peu en août dernier : une panne est intervenue sur la liaison à haute tension avec l’Espagne, qui assure 10 % de la demande, contraignant l’ONE à faire fonctionner ses équipements à plein régime.
C’est surtout la centrale à charbon de Jorf Lasfar, à 130 kilomètres au sud de Casablanca, qui a permis d’éviter le pire. D’une puissance installée de 1 360 MW, elle produit 50 % de l’électricité distribuée. Le reste est assuré par un ensemble d’autres ouvrages thermiques et hydrauliques, ainsi que par un petit parc de 84 éoliennes. Au total, la puissance installée au Maroc est de 5 232 MW. D’ici à 2009, une capacité supplémentaire de 900 MW devrait entrer en service. Mais c’est loin d’être suffisant. Pour faire face à la progression de la demande, il faudrait « la mise en service de nouveaux moyens de production, soit 500 à 600 MW par an pendant dix ans et 10 milliards de DH d’investissements dans la production, le transport et la distribution chaque année », reconnaît-on à l’ONE.

Pas d’augmentation des tarifs
Ces investissements, l’entreprise n’a pas les moyens de les faire seule. En 2006, elle a enregistré des pertes de 1,7 milliard de DH, contre 240 millions un an plus tôt (les résultats 2007 ne sont pas encore connus). En cause, un redressement fiscal imprévu de 820 millions de DH, mais aussi la stagnation des tarifs. Avec sa vocation de service public, l’ONE ne peut en effet répercuter la hausse des coûts de production sur ses prix. La dernière fois que ces derniers ont augmenté, c’était en août 2006. Des contraintes qui ne l’empêchent pas de faire des projets : « On attend beaucoup de la centrale thermique de Safi », indique-t-on à l’ONE. D’une puissance de 1 320 MW, elle devrait stabiliser la situation énergétique. Mais sa mise en service est prévue pour 2012. Pour tenir jusque-là, peut-être faudra-t-il prendre l’habitude de changer d’heure.

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