Kadhafi, patron de presse

Panapress, Africa NO 1, Vodoo, Continental… La Libye ne fait pas mystère de sa volonté, couronnée ou non de succès, de maîtriser les médias.

Publié le 9 juin 2008 Lecture : 3 minutes.

Entre attirance et répulsion : c’est un rapport ambigu que Kadhafi entretient avec les médias. Il en a besoin pour asseoir sa légende, mettre en scène son pouvoir et proclamer ses ambitions panafricaines. Mais il veut tout autant les maîtriser pour faire taire une critique, qu’il supporte mal.
La stratégie médias du « Frère Guide », menée très discrètement, alimente les plus folles rumeurs sur les journaux, les radios ou les télés qui seraient passés sous sa coupe ou celle de ses lieutenants. Surtout depuis le coup de poker gagnant, à la fin des années 1990, qui a permis à la Libye, encore sous embargo, de prendre le contrôle de l’agence de presse panafricaine en faillite, Panapress, et de rapatrier son siège de Dakar à Tripoli.

Dernier épisode en date, le 24 janvier 2008. Le Libya Africa Portfolio (LAP), le fonds d’investissement dirigé par Béchir Salah Béchir, le directeur de cabinet de Kadhafi, aurait proposé 1 million de dollars pour mettre la main sur un jeune périodique économique et financier : Les Afriques. Ce que dément Dominique Flaux, le directeur de la publication : « Nous avons bien reçu une lettre d’intention, non sollicitée et non chiffrée, du LAP. Le courrier nous félicitait et encourageait notre démarche. Depuis, plus rien. Nous ne sommes jamais allés plus loin », explique-t-il. Entre-temps, toutefois, des représentants du fonds ont tenté d’approcher par téléphone trois actionnaires de l’hebdomadaire basé à Genève. Pour clarifier la situation, l’éditeur a dû se fendre d’un éditorial dans le numéro du 29 mai au 4 juin 2008 afin de rassurer ses lecteurs. Et ses actionnaires. Proparco, la filiale de l’Agence française de développement (AFD), actionnaire à hauteur de 7 % au capital de la société depuis avril, a même fait rajouter une clause qui remettrait en question sa participation si un fonds libyen devenait actionnaire de l’hebdomadaire.

Un actionnaire encombrant

D’autres coups, en revanche, sont gagnants. En novembre 2007, la Libyan Jamahiriya Broadcasting a pris une participation majoritaire (52 %) dans la radio panafricaine Africa N° 1, dont 35 % appartiennent encore à l’État gabonais. L’administrateur de la radio, Louis-Barthélemy Mapangou, est resté en place à Libreville. Mais le Libyen Ammar el-Mahjoub, nouveau président du conseil d’administration, en est le vrai patron. Africa No 1-Paris, détenue à 20 % par son homologue de Libreville, se dit à l’abri de l’influence du « Guide ». « Depuis quinze ans, nous avons le même nom, le même logo mais nous sommes deux sociétés différentes qui échangent des programmes. Depuis le changement d’actionnariat, la ligne éditoriale n’a pas changé. Il suffit d’écouter la radio », relève Dominique Guihot, président du conseil d’administration d’Africa Media, actionnaire de référence de la radio.
En revanche, les frontières apparaissent bien plus floues et poreuses entre les intérêts libyens et les activités dans la communication et les médias de l’homme d’affaires béninois Arnauld Houndété. Il a fait ses débuts dans la presse il y a une douzaine d’années en lançant le mensuel panafricain Continental. Un magazine délocalisé en France, dont il est toujours le directeur de la publication.

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Mais depuis deux ans, il gère également les actifs du Libya Africa Portfolio au Bénin et pour toute l’Afrique centrale. Une proximité entre des activités difficilement compatibles qui soulève des interrogations. Surtout que, à 40 ans, Arnauld Houndété est aussi l’actionnaire de deux agences de communication et de publicité en Côte d’Ivoire : Orisha et Vodoo. Active dans les médias, l’agence Vodoo (qui, par ailleurs, a remporté deux fois de suite l’appel d’offres pour la publicité d’Orange-Côte d’Ivoire avant de le perdre au profit de Publicis et Mc Cann) a lancé deux mensuels en Côte d’Ivoire, un magazine people, Life Magazine, et Tycoon, pour les hommes d’affaires. Un mélange des genres que réfute Francis Laloupo, le directeur de la rédaction de Continental : « Il n’y a aucune participation libyenne de quelque forme que ce soit ni d’interférences dans Continental. Arnauld cloisonne beaucoup ses activités. D’ailleurs, je ne le vois que deux à trois fois par an. » Moins que les Libyens de LAP ?

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