Gershwin vu de Soweto

La chorégraphe sud-africaine Robin Orlin signe la mise en scène de Porgy and Bess à Paris. Et fait le lien entre les ghettos noirs américains des années 1930 et la situation actuelle de la nation Arc-en-Ciel.

Publié le 9 juin 2008 Lecture : 2 minutes.

C’est à un « monstre » du répertoire américain que s’attaque la chorégraphe sud-africaine Robin Orlin. Dans une mise en scène osée, elle présente jusqu’au 20 juin à l’Opéra-Comique de Paris Porgy and Bess, le succès phénoménal de George Gershwin (1898-1937). La pièce tournera ensuite à Caen (26-30 juin) et à Luxembourg (7-11 octobre). Créé en 1935, cet « opéra folk, mélange d’art savant et populaire », comme le définissait Gershwin lui-même, se déroule au sein de la communauté noire à Charleston, dans le sud des États-Unis.
Entre le dealer, le caïd, l’estropié et la femme fatale, plus prostituée que mère dévouée, qui n’ont guère le choix qu’entre la mort, la prison, la misère et l’exil, Porgy and Bess n’a pas toujours été bien accueilli par les Noirs américains, qui, comme Duke Ellington, estimaient que l’opéra accumulait les clichés. Néanmoins, George Gershwin, fils de juifs russes immigrés, sensible au racisme, refuse de se soumettre aux lois de la ségrégation raciale. Et avant d’adapter Porgy, le roman de DuBose Heyward, il va à Charleston à la rencontre des populations noires. Lors de la première à Boston en 1935, il refuse que les acteurs soient des Blancs grimés (black faces) comme cela se faisait à l’époque.
Gershwin n’a pas seulement innové en imposant des artistes noirs sur scène. Il a également « créé, dit-il, une nouvelle forme qui mêle opéra et théâtre » dans laquelle « tous les ingrédients du divertissement [Â] ne s’expriment pas seulement par la parole mais aussi tout naturellement à travers le chant et la danse ». La danse que, paradoxalement, Robin Orlin, primée aux Rencontres chorégraphiques d’Afrique à Antananarivo en 1999 et à Londres par un Laurence Olivier Award (l’équivalent britannique des molières français) en 2000, a évacuée, privilégiant une scénographie minimaliste très contemporaine. Pas d’entrechats donc. L’Opéra de Lyon avait, fin mai, fait le pari inverse avec de fabuleux danseurs de hip-hop.
Pas de décor non plus. Les murs et le sol sont d’un blanc immaculé. Tout comme ces tissus que portent des acteurs hauts en couleur, à la performance vocale saisissante, et sur lesquels sont projetées des images soit préenregistrées, soit filmées dans un coin de la scène ou en coulisses et retransmises en direct. Et c’est là toute l’originalité et la base même de la scénographie de la Sud-Africaine : faire intervenir la vidéo dans la dramaturgie. Un immense écran, qui pivote en surplomb de la scène, propose des images d’un documentaire tourné par un Français, Philippe Lainé, dans un township proche de Soweto, Kliptown, et dans la région de Durban. Une manière de faire le lien entre l’Amérique et l’Afrique noires. Entre le passé de la ségrégation et la réalité du monde contemporain. Et de faire ressurgir la dimension universelle de l’Âuvre de Gershwin.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires