Cen-Sad, mode d’emploi
La Communauté des États sahélo-sahariens, plus connue sous le nom de « Cen-Sad », a fêté ses dix ans d’existence le 4 février 2008. Tout droit sortie de l’imaginaire de Mouammar Kadhafi, elle a été conçue comme une « union économique globale », afin de rassembler autour de lui les États africains dans le but de façonner un levier économique pour, par la suite, créer les États-Unis d’Afrique, dont il prendrait la tête.
Quand le leader libyen a lancé son projet, la Cen-Sad disposait d’un budget de 7 millions de dollars, dont les deux tiers venaient de Tripoli. Difficile d’évaluer précisément ses moyens actuels, mais la rente pétrolière les a, bien sûr, dopés. En 1998, la Cen-Sad regroupait autour du « Guide » ses plus fidèles affidés : Mali, Tchad, Niger, Soudan et Burkina. Aujourd’hui, elle réunit vingt-cinq États de la Cedeao, de l’UEMOA et du Comesa, soit 14 millions de km2 et 419 millions d’habitants (près de la moitié de la population du continent). C’est le Libyen Mohamed al-Madani al-Azhari qui en est le secrétaire général.
Depuis le départ, l’institution bénéficie d’un bras armé financier : la Banque sahélo-saharienne pour l’investissement et le commerce (BSIC), présidée par un autre Libyen, Alhadi Mohamed Alwarfalli. Douze filiales existent déjà et deux nouvelles devraient ouvrir, en Côte d’Ivoire et en Guinée-Bissau. Son capital a grimpé à 250 millions d’euros avant d’être porté à 500 millions d’euros en janvier 2008. Discrète sur ses réalisations, la BSIC sert à financer le développement des pays de la Cen-Sad dans des domaines aussi divers que les télécommunications, l’industrie, l’énergie, l’agriculture « Le bilan est appréciable, mais beaucoup reste à faire », a indiqué le président de la BSIC pour justifier l’augmentation de capital, provenu directement, faut-il le préciser, des caisses libyennes.
Jouant de l’écart de richesse qui existe avec ses partenaires, privilégiant les accords bilatéraux pour profiter d’un rapport de force favorable, le pouvoir libyen instrumentalise ces outils pour assurer sa mainmise sur le sud du Sahara. « La Cen-Sad procède d’une logique rentière : en entrant dans ce club, la plupart des États africains, globalement pauvres, saisissent l’opportunité économique et financière proposée par l’auteur du Livre vert », explique Emmanuel Grégoire, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD).
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