Mali : la détention de deux ministres d’IBK est-elle légale ?
La Haute cour de justice étant inactive depuis le putsch de 2020, Soumeylou Boubèye Maïga et Bouaré Fily Sissoko ont été placés en détention par la Cour suprême. La Cour de justice de la Cédéao pourrait-elle désavouer cette décision ? Décryptage avec l’avocat sénégalais Seydou Diagne, qui a défendu Karim Wade et Khalifa Sall à Abuja.
Étrange chassé-croisé. Alors que Bah N’Daw et Moctar Ouane, respectivement anciens président et Premier ministre de la transition malienne, recouvraient la liberté le 27 août après avoir été placés en liberté surveillée, deux anciens ministres d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) faisaient, eux, le chemin en sens inverse.
La veille, l’ancien ministre de la Défense – puis Premier ministre – Soumeylou Boubèye Maïga et l’ex-ministre de l’Économie et des Finances Bouaré Fily Sissoko étaient en effet placés sous mandat de dépôt, tous deux mis en cause dans l’affaire dite de « l’achat de l’avion présidentiel et des équipements militaires« .
Tandis que les deux premiers ont été libérés un mois après le dépôt d’une requête de leurs avocats devant la Cour de justice de la Cédéao, les seconds pourraient bien, à leur tour, saisir la juridiction communautaire, qui siège à Abuja. Car aux termes du code de procédure pénale malien, les ministres jugés pour des faits commis dans l’exercice de leurs fonctions sont justiciables devant la Haute cour de justice, composée de députés. Or depuis la dissolution de l’Assemblée nationale par IBK, au lendemain du putsch d’août 2020, cette juridiction est devenue inopérante. Et les poursuites contre les deux ministres sont diligentées par la Cour suprême, ce que dénoncent leurs avocats maliens.
Leur confrère sénégalais Seydou Diagne, qui a plaidé plusieurs dossiers politiques importants – il fut notamment le conseil de l’ancien président malien Amadou Toumani Touré (ATT) et a défendu devant la Cour d’Abuja le Sénégalais Karim Wade ou l’ex-maire de Dakar Khalifa Sall -, analyse pour Jeune Afrique les chances de succès d’une telle démarche.
Jeune Afrique : Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale, au lendemain du putsch d’août 2020, la Haute Cour de justice, censée juger les ministres pour les actes commis dans l’exercice de leur fonction, n’existe plus de facto. Est-ce suffisant pour considérer que Soumeylou Boubèye Maïga et Bouaré Fily Sissoko peuvent être poursuivis devant la Cour suprême ?
Me Seydou Diagne : Une telle situation semble avoir été anticipée par le code de procédure pénale malien, qui dit qu’en cas de défaillance de la Haute Cour de justice pour examiner le cas de personnes bénéficiant d’un privilège de juridiction, comme le sont ces ministres, la Cour suprême deviendrait compétente.
Toutefois, ce n’est pas parce que cette solution de substitution est prévue par les textes que cela éteint toute contestation relative à la compétence de la Cour suprême pour poursuivre et juger Soumeylou Boubèye Maïga et Bouaré Fily Sissoko. Cette contestation est d’ailleurs portée depuis quelques jours par deux syndicats de magistrats maliens qui se sont fendus d’un long communiqué sur le sujet.
#Mali #Justice
— Journal du Mali (@JourDuMali) August 28, 2021
Communiqué conjoint des syndicats de magistrats ( SAM- SYLIMA) relatif à la sortie de l'avocat général au parquet de la Cour suprême. pic.twitter.com/D1jlf2ISUp
Qu’est-ce qui empêcherait la Cour suprême d’instruire leur dossier puis de juger les personnalités politiques maliennes aujourd’hui mises en cause ?
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