Un petit air de Woodstock
Des anarchistes aux chrétiens de gauche en passant par les ONG, les altermondialistes ont donné de la voix pour protester contre la guerre, l’injustice et l’argent-roi.
Jeudi 28 mai, vers 23 heures. Dans le Village alternatif, anticapitaliste et antiguerre (VAAAG), deux grands chapiteaux ont été dressés. Musique punk dans l’un, projection d’un documentaire sur la manifestation anti-G8 de Gênes, en 2001, dans l’autre. Une centaine de jeunes essaient encore de comprendre pourquoi l’un d’entre eux y a laissé la vie. Tout le monde espère que, cette fois, les policiers suisses et français ne tireront pas sur les manifestants lors du grand raout prévu pour le dimanche suivant. Et qu’« on » sera aussi nombreux pour s’élever contre le « directoire du monde », qui se réunit à une quarantaine de kilomètres plus loin, à Évian.
Comme chaque année, depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, les altermondialistes sont venus protester contre la réunion du G8. « Le G8 est illégitime », « G faim, G8 »… Les slogans se multiplient. On retrouve, pêle-mêle, libertaires, anarchistes, chrétiens de gauche, communistes, syndicalistes, militants d’organisations de solidarité internationale (OSI) ou d’organisations non gouvernementales (ONG). Une chose les unit : la volonté de montrer aux dirigeants du monde que les peuples qu’ils dirigent restent vigilants.
Pendant trois jours, un camping géant s’est donc « auto-géré » dans une ambiance bon enfant. Deux grands ensembles se sont constitués : le VAAAG, d’obédience libertaire et anarchiste, et le Village intergalactique, composé essentiellement d’ONG. Un bois les sépare, même s’ils sont reliés par un petit chemin qu’on franchit allègrement au gré des événements organisés de part et d’autre.
Au même moment, à trois kilomètres de l’aérodrome, en plein centre d’Annemasse, un collectif d’ONG et d’OSI a organisé un « Sommet pour un autre monde » (Spam). Du 28 au 31 mai, des tables rondes se sont succédé sur les sujets que le G8 était censé aborder à Évian. Amnesty International (AI), Oxfam, le Centre de recherche et d’information pour le développement (Crid), Attac, Greenpeace, les Amis de la terre, Coordination Sud, le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD)… autant d’organisations parfois concurrentes, pas toujours sur la même longueur d’onde, mais qui ont réussi le pari de s’unir pour attirer, à chaque conférence, plusieurs centaines de spectateurs-participants fort studieux. Au menu des journées : le financement du développement, l’antiterrorisme, les droits humains, le Nepad… Si le G8 a tenté, pour la première fois, de s’ouvrir réellement aux chefs d’État des pays en développement, les ONG, elles, invitent de longue date des partenaires du Sud.
Au milieu de ce maelström citoyen ou anarchiste, les quelque vingt représentants de la société civile africaine, ravis au demeurant d’être là, se sont sentis parfois étrangers aux débats. « Ce contre-sommet est utile pour transmettre les messages qu’on veut faire passer, explique Marcel Carlos Akpovo, chercheur au programme Afrique d’Amnesty . Mais cet « autre monde » dont on parle n’est pas le même pour tous. Je suis venu ici pour exprimer mes préoccupations au club du G8, mais aussi à nous-mêmes, qui nous disons les représentants de la société civile. »
Le débat sur le Nepad a mis au jour les divergences entre Africains. « Certains veulent jeter le Nepad à la poubelle. En rejetant tout en bloc, on décrédibilise la société civile, lance l’un d’entre eux. À ce compte-là, les dirigeants ne nous feront jamais participer. Il faut le critiquer de manière positive. » Afin de montrer que les représentants présents à Annemasse sont au moins aussi responsables que leurs dirigeants.
Déçus par les résultats du G8, les organisateurs du Spam dénoncent un énième « G8 pour rien » et accusent les dirigeants de dépenser beaucoup d’argent pour ne prendre aucune décision. De leur côté, les militants altermondialistes ne se sont pas contentés de belles paroles. Le midi, lors des pauses-déjeuner, le Secours catholique servait une polenta ou des pâtes bolognaises à proximité du Centre Martin-Luther-King, où se tenaient la plupart des conférences. Les 4 euros que le conférencier affamé devait donner seront reversés à un fonds d’aide aux sinistrés d’Algérie. La lutte continue…
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